Stratégie Nationale Biodiversité : quelles implications pour les entreprises ?

La Stratégie Nationale Biodiversité pose la feuille de route de la France pour enrayer le déclin de la biodiversité. Tous les acteurs doivent contribuer à sa mise en œuvre. Pour les entreprises aussi, elle pose des orientations, exigences et prévoit des accompagnements.

Qu’est-ce que la Stratégie Nationale Biodiversité ?

À quoi sert la SNB ?

Initiée par le gouvernement, la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 vise à répondre de manière urgente au déclin de la biodiversité en France. Cette 3ème « SNB » s’étend de 2022 à 2030, tandis que les deux précédentes couvraient les années 2004-2010 et 2011-2020.

La COP15 biodiversité, qui s’est tenue à Montréal du 7 au 19 décembre 2022, a abouti à l’adoption d’un nouveau cadre stratégique mondial pour stopper l’érosion de la biodiversité. Ce cadre ambitieux comprend des objectifs chiffrés, notamment la protection de 30 % des terres et des mers à horizon 2030.

Dans le prolongement de cet accord de Kunming-Montréal, la SNB précise les engagements de la France et sert de guide à l’échelle nationale. Elle anticipe aussi le futur cadre législatif fondateur de l’Union européenne sur la restauration de la nature.

La SNB propose 40 mesures réparties en quatre axes :

  1. Réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité
  2. Restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible
  3. Mobiliser tous les acteurs
  4. Garantir les moyens d’atteindre ces ambitions.

Qu’y a-t-il dans cette stratégie ?

 

La Stratégie nationale biodiversité 2030 est le fruit d’un travail de concertation avec les différentes parties prenantes (collectivités locales, entreprises, citoyens), afin de faciliter sa mise en œuvre par un large éventail d’acteurs.

Vue aérienne d'un train circulant sur une voie ferrée au milieu d'un bois

Biodiversité : pourquoi agir en tant qu’entreprise ?

Dépendance économique des entreprises au vivant

Plus de 50 % du PIB mondial¹, soit 44 000 milliards de dollars en valeur économique, dépend de la biodiversité et de ses services écosystémiques. La dégradation du vivant représente donc une menace économique et financière considérable et sous-estimée pour les entreprises.

La biodiversité joue un rôle crucial dans la pollinisation et s’avère indispensable à la production alimentaire. Plus largement, tous les secteurs dépendent de la biodiversité dans leurs processus de production et de consommation. Elle leur fournit des matières premières (ex. bois pour la construction, fibres végétales pour le textile, molécules pour la pharmacie et les cosmétiques…), contribue à la structure des sols et influence la disponibilité en eau. Elle offre aussi des solutions fondées sur la nature pour lutter contre le réchauffement climatique, en particulier grâce à l’absorption de CO2 par les écosystèmes marins et terrestres.

1 Préserver la biodiversité pour préserver notre avenir, Banque Mondiale

Impact des entreprises sur la biodiversité

En dépit de cette dépendance forte, les activités des entreprises exercent une pression sur la biodiversité par le biais de cinq facteurs, selon l’IPBES :

  • La dégradation et la perte d’habitat : l’expansion agricole, le développement des infrastructures, l’urbanisation, le tourisme et l’artificialisation des sols ont des effets directs sur les habitats naturels et les espèces qui y vivent.
  • La surexploitation des ressources : la consommation directe par l’homme des ressources naturelles sur terre et en mer, à un rythme non durable, empêche leur renouvellement.
  • Le changement climatique : l’augmentation des quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère déséquilibre le climat et réchauffe la surface terrestre, l’élévation du niveau de la mer génère des migrations d’espèces, l’acidification des océans perturbe la chaîne alimentaire marine, et les phénomènes naturels s’aggravent.
  • L’introduction d’espèces exotiques envahissantes : elles menacent et perturbent la vie végétale et animale indigène en modifiant et déstructurant des écosystèmes.
  • Les pollutions : les pollutions plastiques, chimiques, sonores et lumineuses affectent lourdement et empoisonnent le vivant.

Réglementation et pression des parties prenantes

De nombreuses réglementations entrent en vigueur et visent à renforcer à la fois :

  • L’obligation d’agir pour la biodiversité : en France, l’objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) vise par exemple à réduire l’artificialisation des sols, tandis qu’au niveau européen, la loi sur la déforestation importée veut interdire l’importation de certaines matières premières provenant de terres déboisées.
  • L’obligation de reporting sur la biodiversité : depuis le 1er janvier, la CSRD entre progressivement en vigueur et engage les entreprises particulièrement liées au vivant à définir dans leur rapport de durabilité un plan d’actions sur la biodiversité, ainsi que sur les facteurs liés à la santé des écosystèmes (changement climat, pollution, eau…).

D’un autre côté, les acteurs financiers s’attachent de plus en plus à évaluer la résilience des entreprises, notamment en matière de biodiversité. Taxonomie verte, SFDR, article 29 de la loi énergie-climat les incitent à renforcer la transparence autour des entreprises dans lesquelles ils investissent et à rendre des comptes sur les risques liés entre autres à la biodiversité.

Conséquences de la SNB pour les entreprises

Focus sur les mesures qui concernent les entreprises


La SNB n’est pas une réglementation, ni une programmation pluriannuelle de la biodiversité qui détaille les actions et moyens. En tant que telle, elle ne contraint donc pas les entreprises. En revanche, elle fournit une vision stratégique, qui guide sur les orientations sectorielles et les potentielles exigences à venir.
Parmi les mesures proposées, voici un extrait de celles qui concernent directement ou non les entreprises :
Un maraîcher porte des caisses de légumes dans un champ
Enfants faisant du tricycle dans une cour d'école végétalisée

Axe 1 : Réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité

  • Accompagner les secteurs prioritaires dans la réduction de leurs impacts sur la biodiversité (agriculture, construction, transports…)
  • Lutter contre l’artificialisation des sols
  • Agir sur nos importations pour réduire notre empreinte biodiversité à l’étranger

Axe 2 : Restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible

  • Renforcer le cadre réglementaire européen afin d’accélérer Ia restauration des écosystèmes terrestres et marins
  • Protéger et restaurer nos sols

Axe 3 : Mobiliser tous les acteurs

  • Accompagner les entreprises pour renforcer leurs engagements et accroître la transparence de leurs actions en matière de biodiversité
  • Promouvoir les métiers qui contribuent à la biodiversité et mobiliser la formation continue

Axe 4 : Garantir les moyens d’atteindre ces ambitions

  • Mobiliser les financements privés en faveur de biodiversité
Gros plan de la peau d'un maquereau

Outils et accompagnement

Des soutiens financiers et des outils méthodologiques publics devraient également être mis à la disposition des entreprises, notamment :

  • Des subventions,

  • Des diagnostics pour les PME, comme ceux proposés par Bpifrance sur le climat,

  • Des outils comme la méthodologie ACT, de l’ADEME, pourraient être étendus à la biodiversité et offrir un cadre pour guider les entreprises dans leur passage à l’action.


  • Pour transformer les modèles économiques avec exigence et pragmatisme, il est primordial que les outils d’accompagnement soient robustes, basés sur la science et accessibles à toutes les échelles, y compris les ETI, PME et TPE. Ils devront aussi encourager une prise en compte des enjeux à 360°, ainsi qu’un dialogue de long terme avec les parties prenantes de la chaîne de valeur et du territoire.

Création de groupes de travail

Pour mobiliser les acteurs économiques, le ministère de la Transition écologique a organisé la première édition du « Roquelaure Entreprises & Biodiversité » avec 200 entreprises en novembre 2023. À cette occasion, huit groupes de travail ont été lancés, dont six sectoriels sur l’agroalimentaire, l’énergie, le textile, la cosmétique, les matériaux, et le secteur bâtiment/construction. Deux groupes transverses ont aussi été créés, axés sur le financement et la gouvernance des entreprises.

L’objectif est de construire des référentiels partagés, d’identifier les dépendances et les pressions sur la biodiversité, et de détailler des cibles et des plans d’action concrets visant à réduire les impacts. Les résultats de ces travaux seront présentés durant le premier semestre 2024, dans le cadre de la SNB.

Comment agir efficacement pour préserver la biodiversité ?

Comment agir dès maintenant en tant qu’entreprise ?

Impossible d’avoir une solution standardisée face au vivant. Sa diversité et sa complexité font justement sa richesse. Pour enrayer son déclin, les acteurs économiques doivent adopter une approche à la fois systémique (qui tienne compte de toutes les interdépendances à l’œuvre) et localisée (adaptée aux spécificités d’un territoire donné).

Les facteurs de pression sur la biodiversité

Il faut donc commencer par comprendre les impacts directs et indirects, et ses dépendances à la biodiversité tout au long de la chaîne de valeur. Les cinq facteurs de pression de l’IPBES sont un bon appui pour les identifier. Ensuite, l’essentiel est de choisir des mesures liées au cœur d’activité de l’entreprise. Ces dernières années, la biodiversité a malheureusement trouvé de l’écho avec des initiatives souvent anecdotiques, voire inefficaces (ruches, éco-pâturage, murs végétalisés…). Le champ d’action est pourtant vaste. Par exemple :

  • Opter pour des sites qui minimisent l’artificialisation des sols et les végétaliser ;
  • Sélectionner des sources d’approvisionnement responsables ;
  • Mieux traiter ses impacts et pollutions en aval ;
  • Définir et déployer une stratégie bas carbone…
Aperçu du dossier de presse de la Stratégie Nationale Biodiversité

Lier la biodiversité aux enjeux climat, santé, ressources

La biodiversité est indissociable du climat, mais aussi de la santé, la gestion des ressources, les pollutions, etc. Les impacts sur l’un de ces enjeux se répercutent sur les autres. À l’inverse, une approche systémique permet de bénéficier de nombreux co-bénéfices.

Ainsi, les entreprises ont intérêt à se doter d’une stratégie de résilience globale, compilant en une feuille de route unique, biodiversité, climat, RSE, déchets, santé… selon ce qui est pertinent pour chacune. Se mettre en route maintenant, avec cette approche 360°, est indispensable face à la crise environnementale et sociale en cours, mais aussi pour la pérennité de nos organisations.

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