Zones humides : des puits de carbone majeurs oubliés

Les zones humides, on ne voit pas bien ce que c’est. Mais les marais, les tourbières, les mangroves, si. L’imaginaire collectif les associe souvent aux moustiques, aux crapauds et à une eau stagnante peu rassurante. Pourtant, ces écosystèmes sont précieux, entre autres face au défi climatique.

C’est quoi une zone humide ?

Les zones humides sont des milieux caractéristiques « entre terre et eau ». Le droit français les désigne comme des « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre, de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

Rien qu’en France, elles représentent une grande diversité de milieux et paysages, en zones de montagne comme sur le littoral. Dans l’Hexagone, il s’agit des mares, marais, tourbières, prairies humides, lagunes, herbiers marins, étangs, etc. Dans les territoires d’Outre-mer, on trouve aussi les mangroves, lagons, forêts humides…

Leur inventaire est encore en cours au niveau national, mais elles couvriraient environ 23 % du territoire métropolitain¹, soit près de 13 millions d’hectares. Et elles jouent un rôle au moins aussi important que les forêts pour stocker du carbone.

Zones humides et climat : quel rapport ?

Quand ils sont en bonne santé, les milieux humides agissent à la fois sur le cycle de l’eau et sur celui du carbone. Ces écosystèmes sont donc clés à la fois pour :

Vue aérienne d'une tourbière

Atténuer le réchauffement climatique

▪ Certaines zones humides, comme les herbiers marins ou les tourbières, accumulent du carbone dans leurs sols depuis des siècles, voire des millénaires. Alors qu’elles tapissent seulement 3 % de la surface planétaire, les tourbières stockent par exemple plus du double de carbone que toutes les forêts² sur Terre.

▪ Ils peuvent stocker jusqu’à 10 fois plus de carbone que les sols forestiers. C’est d’autant plus important à l’heure où des instances comme le Haut Conseil pour le Climat soupçonnent nos forêts de perdre en capacité de stockage.³

Vue aérienne d'un littoral

S’adapter aux effets du changement climatique

Les milieux humides rendent des services de régulation qui permettent de prévenir les événements naturels extrêmes (régulation des crues, stabilisation du littoral et protection contre les tempêtes, réservoirs d’eau lors des sécheresses, atténuation de la force et de la vitesse des vagues protégeant les littoraux des phénomènes d’érosion et de submersion marine, etc.).

Grenouille sur un morceau de bois

Préserver la biodiversité

À l’échelle mondiale, 40 % des espèces végétales et animales vivent ou se reproduisent dans les zones humides.

Zones humides, des écosystèmes fragilisés

Malheureusement, environ la moitié des zones humides françaises ont disparu entre 1960 et 1990. 10 % des milieux restants sont considérés dans un état de conservation favorable, et plus de 50 % sont considérés dans un état de conservation défavorable à mauvais.

La dégradation, voire la disparition des zones humides, provient des multiples pressions exercées notamment par les activités humaines : aménagement, urbanisation et infrastructures, drainage des terres pour l’agriculture, prélèvement et pollution de l’eau, extraction de matériaux, activités maritimes, dérèglements dus au réchauffement climatique et arrivée d’espèces invasives…

Lorsqu’ils sont dégradés ou détruits, les milieux humides libèrent dans l’atmosphère du carbone stocké parfois depuis des millénaires, et deviennent de véritables bombes climatiques. En raison des impacts négatifs sur leurs habitats naturels, on perd conjointement leurs nombreux services pour la biodiversité.

Vue aérienne d'un marais

Au niveau mondial, la Convention de Ramsar a été adoptée en 1971 dans la ville iranienne du même nom. Plus de 90 % des pays membres de l’ONU sont « parties contractantes » de ce traité international qui prône la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides.

Au niveau national, une petite partie seulement de nos zones humides sont reconnues d’intérêt international et donc labellisées sites Ramsar. Le niveau de protection de ces écosystèmes reste insuffisant, et constitue un axe stratégique du quatrième plan national zones humides. Prévu sur la période 2022-2026, il vise à restaurer 50 000 ha de milieux humides. A compter de 2022, le ministère de la Transition écologique devait consacrer 1,56 million d’euros par an pour leur protection, contre 670 000 euros en 2020.

Du côté des entreprises, s’intéresser aux zones humides doit faire partie des stratégies carbone. La préservation, en freinant la destruction de ces milieux, contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et leur restauration participe à augmenter les puits de carbone.

Les méthodes du label carbone autour de ces projets de préservation et de restauration des zones humides sont en cours d’élaboration. Elles aideront les entreprises à valoriser leurs actions pour ces milieux, ainsi que pour leur faune et leur flore. La méthode pour les projets relatifs aux herbiers de Posidonie a été validée en avril 2023. Celle concernant les tourbières devrait voir le jour en 2024.

Se mobiliser pour nos zones humides nous bénéficiera bien au-delà des défis climatique et d’effondrement de la biodiversité. Mi-août 2023, le WRI (World Ressources Institute) alertait sur la menace d’un stress hydrique élevé pour un quart de la population mondiale. Dans le cadre d’une nécessaire amélioration de la gestion des eaux, la protection des zones humides fait partie des recommandations de l’institut pour renforcer la sécurité de notre approvisionnement en eau.

 

1 Les zones humides en France – Synthèse des connaissances en 2021 – Ministère de la transition écologique et de la  cohésion des territoires
2 Idem
3 Ce qu’il faut retenir du rapport annuel du Haut Conseil pour le climat – francetvinfo.fr
4 Journée mondiale des zones humides – Nations Unies
5 Les zones humides en France – Synthèse des connaissances en 2021 – Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
6 Zones humides dont les espèces protégées se portent bien – Nature France
7 La Convention sur les zones humides – Ramsar
8 Lancement du plan national milieux humides 2022-2026 – Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
9 « Une crise de l’eau sans précédent » affecte déjà près de quatre milliards de personnes – lemonde.fr