CSRD : définition et conséquences pour les entreprises

La nouvelle directive européenne CSRD renforce le reporting extra-financier des entreprises sur tous les enjeux environnementaux et sociaux. Et les poussera à intensifier leur action

Publié au Journal Officiel le 16 décembre 2022, le texte final de la CSRD est entré en vigueur début 2023. Les Etats membres de l’UE ont 18 mois pour transposer la directive en droit national. Les discussions sont en cours, notamment en France.

Directive européenne CSRD : de quoi parle-t-on ?

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) vise à encadrer le reporting extra-financier au niveau européen, c’est-à-dire la manière dont les entreprises rapportent leur prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux. Elle succède à la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), qui s’appliquait pour les grandes entreprises de l’Union européenne (UE) depuis 2014.

Drapeau européen

Pourquoi faire évoluer le reporting extra-financier ?

Cette nouvelle directive fait partie des nombreuses évolutions souhaitées par l’Union européenne pour répondre aux ambitions du Pacte vert européen (Green Deal) : respecter l’Accord de Paris en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. A l’instar de la taxonomie verte, la SFDR et la directive sur le devoir de vigilance, la CSRD a pour objectif de renforcer l’action des acteurs économiques, d’harmoniser les pratiques de reporting et de développer une finance plus durable.

Concernant le reporting, la CSRD exige des données plus précises, complètes, avec des indicateurs standardisés. La marge de manœuvre laissée par la NFRD créait en effet une grande hétérogénéité dans la qualité des informations diffusées. Or, les parties prenantes réclament désormais une transparence accrue. La société civile scrute l’engagement des entreprises en faveur du climat et du vivant. Les investisseurs se montrent plus exigeants sur la nature de leurs financements alors que la réglementation se renforce également de leur côté.

Deux personnes étudiant un document

Quels changements pour les entreprises ?

Davantage d’entreprises concernées

Le périmètre d’application de la CSRD dépasse celui de la NFRD. Plus de 50 000 entreprises sont ciblées, contre près de 12 000 précédemment. Toutes les grandes entreprises sont concernées, ainsi que les entreprises non cotées dépassant deux des trois seuils suivants :

  • 250 salariés (vs 500 auparavant)
  • 40 M€ de chiffre d’affaires net
  • 20 M€ de total du bilan

Les entreprises déjà soumises à la NFRD publieront leur premier rapport « façon CSRD » début 2025. Les autres auront jusqu’à début 2026.

Les PME cotées font aussi leur entrée. Les exigences seront toutefois progressives, et elles publieront leur premier rapport début 2027. Sont assujetties celles qui répondent à deux des trois critères suivants :

  • entre 10 et 250 salariés
  • chiffre d’affaires entre 700 K€ et 40 M€
  • total du bilan entre 350 K€ et 20 M€

Enfin, les entreprises non européennes, qui détiennent au moins une succursale ou une filiale au sein de l’Union européenne, et atteignent un chiffre d’affaires net de minimum 150 M€, publieront leur premier rapport début 2028.

Introduction de la double matérialité

Pour la première fois, les entreprises doivent réaliser une analyse de double matérialité. Il faut évaluer à la fois l’impact des enjeux économiques, sociaux et environnementaux sur la pérennité des activités de l’entreprise (matérialité financière), et l’impact de l’activité de l’entreprise sur les personnes et l’environnement (matérialité d’impact).

Création d’indicateurs standardisés

La CSRD s’appuie sur des indicateurs standardisés, établis par l’EFRAG (Groupe consultatif sur l’information financière en Europe) à travers des normes européennes. Les ESRS (European Sustainability Reporting Standards) détailleront les informations à présenter dans le rapport de développement durable des entreprises. Cette harmonisation des indicateurs permettra de comparer l’impact de chacune au regard des enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance) : changement climatique, pollution, biodiversité, économie circulaire, travailleurs et travailleuses sur toute la chaîne de valeur, conduite des affaires, pour n’en citer que quelques-uns.

Présentées en novembre 2022, les 12 normes transectorielles seront adoptées en juin 2023. Les 10 premières normes sectorielles seront présentées en novembre 2023, et adoptées en juin

Accessibilité et fiabilité de l’information

La CSRD impose différentes exigences pour améliorer la disponibilité de l’information, et la vérifier. La publication apparaîtra dans une section unique clairement identifiée et dédiée du rapport de gestion, lisible par l’humain et par une machine. Le rapport sera vérifié par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant, en assurance modérée d’abord (20 % du périmètre audité), puis en assurance raisonnable à partir de 2028 (50 % du périmètre).

Du côté des parties prenantes, les actionnaires représentant plus de 5 % des droits de vote ou du capital pourront demander un avis supplémentaire à un organisme vérificateur. Le dialogue social sera également renforcé, via l’information et la consultation obligatoires des instances représentatives du personnel.

De façon générale, il s’agira d’intégrer dans le rapport de gestion les éléments de compréhension à la fois des impacts de l’entreprise sur les enjeux environnementaux et sociaux, et les enjeux qui affectent le développement et la performance de l’entreprise. L’information publiée couvrira les trois thématiques ESG et décrira la gouvernance, la stratégie, la gestion des impacts, des risques et des opportunités, ainsi que les indicateurs et objectifs liés.

Quelles informations faudra-t-il publier ?

Toutes les informations qualitatives et quantitatives à fournir seront précisées dans les ESRS. Certaines seront obligatoires pour tout le monde, d’autres s’ajouteront en fonction des enjeux identifiés comme prioritaires grâce à l’analyse de double matérialité.

Comment se préparer à la CSRD ?

La publication progressive des ESRS guidera les entreprises, en précisant les attendus. Celles déjà soumises à la NFRD seront les premières à publier leur rapport « façon CSRD », début 2025. Pour elles, il s’agit de réaliser une analyse des écarts (gap analysis) entre ce qu’elles publient aujourd’hui et les nouvelles exigences. Quels sujets ne traitent-elles pas encore ? Quelles informations faut-il ajouter ou enrichir ? Elles pourront alors définir un plan d’action pour combler ces écarts : recruter un responsable RSE, par exemple, mobiliser les équipes concernées, ou faire appel à un cabinet extérieur.

La marche sera sans doute plus haute pour les entreprises qui ne font pas encore de reporting extra-financier et devront formaliser le cadre de leur stratégie RSE. Il sera en effet nécessaire de prioriser les enjeux, établir un diagnostic de l’existant, mettre en place un plan d’actions, y associer la gouvernance appropriée, et établir un processus de reporting.

Au-delà des rapports RSE, c’est l’action des entreprises en tant que telle que la CSRD souhaite renforcer. Les standards et la perspective de comparaison devraient les inciter à aller plus loin dans leur engagement pour le climat, la biodiversité, les droits humains, la diversité et l’inclusion. A terme, l’Union européenne souhaite placer l’information de durabilité au même niveau que l’information financière, invitant ainsi le changement au cœur des modèles économiques.