Décret tertiaire : au-delà des mesures techniques, un projet d’organisation d’entreprise

Piloter la mise en conformité et définir une feuille de route

Les objectifs d’amélioration de la performance énergétique fixés par le « décret tertiaire » doivent dépasser le sujet technique et faire l’objet d’un projet d’organisation d’entreprise global.

Audits énergétiques : ils ne suffiront pas à vous montrer le chemin !

Dans les prochaines semaines, un arrêté doit venir préciser les modalités de mise en œuvre de l’article 175 de la loi Elan et son décret d’application – dit « décret tertiaire ». Entré en vigueur en octobre 2019, ce dernier a introduit le principe d’une obligation d’amélioration énergétique de l’ensemble des surfaces tertiaires de plus de 1 000 m2. Trois seuils ont été fixés en 2030, 2040 et 2050, avec l’objectif de réduire la consommation énergétique globale de ces bâtiments de respectivement 40 %, 50 % et 60 % par rapport à 2010 – ou une année de référence plus récente.

Nombre d’entreprises concernées par ce décret envisagent comme première mesure de lancer des audits énergétiques des bâtiments concernés et espèrent en tirer une feuille de route directement utilisable pour piloter leur mise en conformité. Or, si elles sont réalisées seules, ces démarches risquent de s’avérer coûteuses et peu efficaces !

Certes, de nombreuses mesures d’amélioration énergétique seront identifiées et portées à l’attention des responsables techniques grâce à ces audits. Cependant, sans notice de mise en place, ni coordination avec la stratégie immobilière et le plan d’investissement plus larges de la société, ces mesures ont peu de chance d’être transformées en projets. Le très faible taux de transformation des préconisations d’amélioration énergétique issues de la campagne d’audits obligatoires de 2015 en est la preuve.

Une stratégie et une organisation plus globales pour répondre aux exigences du « décret tertiaire »

Par ailleurs, la mise en place d’un plan d’actions techniques ne permet pas de répondre à l’ensemble des exigences de ce « décret tertiaire ». Pour atteindre les objectifs fixés, il est d’abord essentiel de bien délimiter contractuellement les responsabilités qui incombent aux propriétaires des locaux et aux occupants. A cet effet, les annexes environnementales – qui organisent l’échange d’informations et la coordination d’actions d’amélioration entre bailleurs et preneurs sur l’impact environnemental du bâtiment – doivent être dépoussiérées et renforcées.

Il faut ensuite s’organiser pour suivre les consommations énergétiques de son patrimoine : se dote-t-on d’un outil spécifique ou s’appuie-t-on sur les données de facturation ? qui se voit attribuer la responsabilité de la collecte et de la consolidation des données ? qui analyse les progrès et dérives ? etc.

Enfin, pour respecter la trajectoire d’amélioration exigée tout en limitant les coûts associés, il est important d’intégrer la performance énergétique à tous les niveaux de la stratégie de gestion immobilière. Ceci permet de tirer parti de chaque étape du cycle de vie normal des bâtiments concernés :

• Une chaudière arrive en fin de vie : il faut étudier les solutions de chauffage innovantes et efficaces plutôt que de procéder à son remplacement à l’identique ;
• Une étanchéité de toiture-terrasse doit être refaite : on en profite pour améliorer l’isolation et on envisage l’installation de systèmes solaires ;
• Un contrat d’exploitation-maintenance arrive à échéance : on le remplace par un marché à objectif énergétique ;
• Le bâtiment nécessite une requalification patrimoniale : on intègre la rénovation énergétique globale au projet…

Pour les propriétaires ou locataires immobiliers de plusieurs sites, répondre aux obligations de cette loi sera bien plus efficace en passant par un projet global d’organisation d’entreprise, plutôt qu’en multipliant les études énergétiques spécifiques.

Les principes des Systèmes de Management de l’Énergie définis par la norme ISO 50 001 peuvent structurer cette organisation. En complément, la définition d’un Schéma Directeur Énergie cohérent avec la stratégie immobilière permettra de cadencer les mesures d’investissements à mettre en place et leur donnera un cadre.

Si vous êtes concernés, dans le cadre d’un accompagnement « décret tertiaire », pensez stratégie et organisation globale à l’échelle de votre entreprise, avant de vous attacher à la définition de mesures techniques !