Zéro Artificialisation Nette (ZAN) : définition et objectifs

Crucial d’un point de vue environnemental et sociétal, l’objectif de Zéro Artificialisation Nette pose de nombreuses questions quant à sa mise en œuvre, tant pour les acteurs publics que privés. Nos experts proposent 3 pistes concrètes pour faciliter son application sur le terrain

par Marc-Elian Duffrene, Chef de Projet et Louise Fontaine, Consultante

Vue en plongée d'arbres parsemés d'habitations

Zéro Artificialisation Nette : définition

L’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) a été inscrit pour la première fois en France dans le Plan biodiversité de 2018. En 2021, la loi Climat et Résilience a précisé ses échéances : réduire de moitié la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers (ENAF) d’ici 2030, par rapport à la décennie précédente ; puis atteindre le ZAN en 2050.

Artificialisation des sols, quelles conséquences ?

La lutte contre l’artificialisation des sols est un défi environnemental et sociétal urgent car 6 à 9 % des sols sont artificialisés en France et l’artificialisation est responsable de :

  • l’érosion de la biodiversité, due à la destruction des habitats et la rupture des continuités écologiques ;
  • la réduction du potentiel nourricier des territoires, due au changement d’usage de sols agricoles ;
  • l’amplification des phénomènes d’inondation et de ruissellement, due à l’imperméabilisation des sols ;
  • l’aggravation du réchauffement climatique, due au déstockage du carbone des sols ;
  • l’étalement urbain, qui affecte la qualité de vie en allongeant les temps de trajet, augmentant les coûts énergétiques des ménages davantage dépendants à la voiture, et accentuant la pollution atmosphérique ;
  • du renforcement de la fracture sociale entre les villes et ses périphéries, en éloignant les ménages périurbains des bassins d’emploi et des services.

Le législateur a pris conscience de la nécessité de sobriété foncière. En complément de la loi Climat et Résilience, la loi du 20 juillet 2023 a mis en place de nouvelles modalités d’application du zéro artificialisation nette dans les territoires qui facilitent l’atteinte des objectifs et donnent davantage de pouvoir aux collectivités. Cependant, la trajectoire de mise en œuvre doit être précisée pour assurer la déclinaison de cet objectif aux différentes échelles territoriales, et une réponse effective aux enjeux évoqués.

Quelles sont les échéances de l’objectif ZAN ?

Les collectivités ont jusqu’au 22 novembre 2024 pour faire évoluer les schémas (dont le Schéma régional d’aménagement et de développement) et plans régionaux qui fixent les objectifs intermédiaires de réduction de la consommation des espaces naturels. Le Schéma de cohérence territoriale intègreront l’objectif ZAN au 22 février 2027. Les plans locaux d’urbanisme (PLU) devront eux, entrer en vigueur au plus tard le 22 février 2028, pour fixer des objectifs compatibles avec le Zéro Artificialisation Nette.

Tracteur sur un chantier

Le ZAN, difficile à appliquer sur le terrain

La traduction du ZAN dans les documents d’urbanisme pourrait relever du casse-tête pour les collectivités territoriales. Elle pose notamment la question des injonctions contradictoires avec d’autres objectifs de planification territoriale : création de logements, développement des territoires ruraux, développement de grands projets nationaux, croissance des énergies renouvelables, etc.

Se pose aussi la question du développement économique local. Les ressources financières des communes dépendent en grande partie des taxes foncières et des taxes auprès des entreprises. Elles ont donc intérêt à accueillir de nouveaux habitants et à poursuivre leur urbanisation. Le ZAN peut ainsi générer un sentiment d’iniquité, entre des territoires ruraux limités dans leur développement, et des métropoles déjà fortement urbanisées, qui seraient moins impactées.

Les aménageurs et opérateurs urbains cherchent quant à eux leur place. Le ZAN est un objectif réglementaire pour les documents de planification à l’échelle régionale, et non celle d’un projet. Quelles seront alors les obligations concrètes pour ces acteurs privés ?  Quelle traduction sur le terrain et à une échelle opérationnelle ? Et quelle responsabilité dans le choix d’implantation des projets ? Ce manque de repères et de cadrage réglementaire local peut les pousser à ignorer ou se détourner d’un objectif de réduction de l’artificialisation. Il est dès lors essentiel d’en préciser les conditions d’application et d’imaginer de nouveaux modèles d’affaires compatibles avec le ZAN.

3 pistes pour faciliter la mise en œuvre de l’objectif ZAN

1. Arbitrer sur les définitions structurantes du ZAN

Récemment revue, la nomenclature des sols artificialisés manque encore de finesse en omettant certains enjeux écologiques majeurs. Par exemple, elle ne distingue pas une pelouse urbaine monospécifique, sans intérêt écologique, d’une pelouse sèche, véritable réservoir de biodiversité. Par ailleurs, elle appréhende le sol comme une surface plane et s’affranchit de sa qualité écologique en profondeur. L’échelle et les seuils doivent aussi être précisés. Pour encourager les porteurs de projets à végétaliser les espaces construits, l’échelle retenue devra être suffisamment grande pour valoriser et protéger les petits espaces verts des centres urbains denses, essentiels dans un contexte d’intensification des épisodes caniculaires.

Il est également nécessaire de préciser les critères techniques qui qualifient une opération de « désartificialisation », afin de donner un levier supplémentaire aux collectivités territoriales pour participer à l’atteinte du ZAN. Dans la région des Hauts-de-France, la conversion du bassin minier a permis d’ouvrir de nouvelles zones à l’urbanisation tout en renaturant d’anciennes zones industrielles.

2. Faire évoluer le signal prix de la construction grâce au levier fiscal

La fiscalité sur la construction neuve et l’urbanisme renforce actuellement les dynamiques d’artificialisation. Il parait donc souhaitable de revoir les dispositifs fiscaux pour inciter les aménageurs à la sobriété foncière et au renouvellement urbain. Un large éventail de solutions est envisageable parmi lesquelles :

  • l’exonération de taxe d’aménagement des projets qui ne changent pas l’emprise au sol du bâti ou à l’inverse la taxation plus sévère des projets sur des terres non artificialisées ;
  • la diminution de la fiscalité des espaces naturels ;
  • le développement des récents fonds pour le recyclage des friches et les projets de densification.

3. Intégrer l’objectif ZAN dans une vision globale des projets d’aménagement

L’enjeu d’artificialisation des sols doit devenir un critère prioritaire pour les acteurs économiques, dans le cadre de leurs opérations d’aménagement ou de construction de nouvelles infrastructures. Les modèles d’action ont intérêt à évoluer pour combiner les enjeux de résilience alimentaire, de préservation de la biodiversité, de lutte contre l’étalement urbain et de desserte territoriale. Des modèles de développement urbain plus résilients se développeront alors, alliant reconversion de friche, rénovation et reconversion des bâtiments, habitat modulaire, hors site, densification et surélévation des bâtis existants, végétalisation des villes, amélioration des dessertes en transport en commun, etc.

Faisons collectivement évoluer l’objectif de Zéro Artificialisation Nette dans ce sens. Au lieu de le percevoir comme un simple objectif réglementaire additionnel, les collectivités territoriales et les opérateurs privés verront alors leur contribution comme une occasion de rendre les villes plus attractives, de redynamiser les territoires périurbains, de s’adapter et lutter contre le changement climatique.

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