GreenFlex Actualités Articles Yakafokon : « Il faut généraliser le vrac et la consigne » Yakafokon : « Il faut généraliser le vrac et la consigne » Le vrac et le consigne portent la promesse de réduire nos déchets, et leur empreinte environnementale. Producteurs et distributeurs doivent pourtant adopter quelques réflexes pour éviter les revers du réemploi par Océane Lannoy, consultante GreenFlex « Pour sauver la planète, il n’y a qu’à… Il faut… Les entreprises doivent… » Ces injonctions vous sont familières ? Dans la série « Yakafokon », GreenFlex démêle le vrai du faux dans les grands poncifs censés guider le monde de demain, afin d’aider les acteurs économiques à changer concrètement et efficacement de trajectoire. Vrac, consigne : solutions miracles ? Dans l’espoir de supprimer les emballages, le vrac et la consigne font leur place depuis quelques années, portés par les attentes des consommateurs. La pression réglementaire pousse aussi à sa démocratisation. La loi AGEC¹ a fixé un objectif de 5 % d’emballages réemployés en 2023, et 10 % en 2027, tandis que la loi Climat et Résilience² oblige les commerces de plus de 400 m2 à consacrer au moins 20 % de leur surface à la vente de produits présentés sans emballage primaire, dont le vrac, d’ici 2030. Citeo, qui réunit des entreprises du secteur de la distribution autour des enjeux de réduction des emballages et de leur réemploi et recyclage, mettra en place la consigne dans 4 régions (Normandie, Hauts-de-France, Bretagne et Pays-de-la-Loire) à partir de mai 2025. Le déploiement de la consigne et du vrac semble donc en marche. Sa généralisation est-elle néanmoins souhaitable ? Et comment distributeurs et producteurs peuvent-ils se préparer ? Bien sûr, il est urgent de limiter la pression sur les ressources et notre production de déchets. Du berceau à la tombe, les émissions de gaz à effet de serre (GES) des emballages plastiques pourraient représenter jusqu’à 13 % du budget carbone mondial³ d’ici 2050. Le traitement des déchets est responsable de 3 % des émissions de GES⁴ en France, et il menace la biodiversité et la santé humaine. Les « jus de décharge » captent les substances polluantes et toxiques entassées dans les sites d’enfouissement, tandis que l’incinération émet des fumées chargées de dioxines, des polluants organiques persistants qui peuvent mettre la santé en danger lorsqu’ils sont présents en trop grosse quantité. Les déchets non traités polluent quant à eux durablement notre environnement. Vrac et consigne permettent-ils forcément de lutter contre tous ces méfaits ? Les écueils du vrac et de la consigne Il y a urgence à réduire l’empreinte environnementale et sociétale de nos emballages, en commençant par diminuer la quantité d’emballages à usage unique. Toutefois, il faut veiller à la prise en compte globale des impacts pour garantir leur efficacité et éviter les dommages collatéraux, notamment : Empreinte de la logistique: les grandes distances de transport entre chaque étape du cycle de vie de l’emballage consigné (distribution, consommation, collecte, nettoyage, remplissage) peuvent rapidement dégrader son bilan environnemental. Cet impact s’applique d’autant plus aux emballages lourds, comme le verre ou les emballages volumineux. Impact des contenants: dans le cas de la consigne, la production et le recyclage du verre ou du métal s’avèrent plus impactantes sur l’environnement que ces mêmes process pour les emballages à usage unique en plastique ou papier. Ainsi, il faut veiller à ce que les réutilisations du contenant soient nombreuses, au taux de recyclage et au traitement en fin de vie des emballages consignés ou utilisés pour le vrac. Quant à elle, la distribution vrac est surtout pertinente lorsque l’emballage du produit préemballé est lourd (ex. bouteilles en verre pour l’huile), ou complexe (ex. boîte de biscuits qui contient à la fois du plastique et du carton). Gaspillage du contenu: le vrac peut entraîner des pertes produit tout au long du cycle. En magasin, elles sont dues à une gestion difficile du rayon, des contaminations, ou la perte des miettes dans les bacs à pelle. Le vrac peut également détériorer la qualité du produit, ou sa conservation. Certains produits ne s’y prêtent donc pas, hormis pour une consommation immédiate (lait, yaourt, viande, poisson, jus de fruits…). Dans ce cas, il vaut mieux privilégier une alternative de contenants consignés « raisonnée » ou des emballages à usage unique recyclables et/ou fabriqués à partir de matière première recyclée ou renouvelable. Effet rebond: la consigne peut détourner le consommateur de pratiques plus sobres encore. Il aura par exemple moins de scrupule à utiliser des bouteilles en plastique ou verre consignées, tandis qu’il pourrait adopter l’usage systématique d’une gourde. Prise en compte des parties prenantes: la généralisation de la consigne ou du vrac pourrait se traduire par une remise en question de l’action des collectivités, qui se sont engagées financièrement et contractuellement depuis des années, avec des opérateurs de tri, de recyclage ou d’incinération des déchets d’emballage. 3 recommandations pour les distributeurs et producteurs Quelques réflexes peuvent aider les distributeurs et producteurs à déployer le vrac et la consigne de façon raisonnée et efficace. D’abord, gardons en tête qu’ils ne sont pas généralisables à toutes les échelles, ni tous les produits. Ainsi, il faut s’assurer que le bilan environnemental du réemploi des emballages et des systèmes de distribution alternatifs est meilleur que celui du système initial, en tenant compte : Des distances et modes de transports, Du taux de réemploi du contenant, Du taux de performance de lavage, Des taux de recyclage de l’emballage à usage unique à titre de comparaison, Du gâchis alimentaire des « invendus ». Ensuite, il serait judicieux de s’allier. Une coordination logistique des industriels multi-marques est essentielle pour généraliser la consigne. Elle permettrait la mise en place de circuits à l’échelle régionale plutôt que nationale, intégrant ainsi la démarche dans une logique d’écologie industrielle et territoriale. Les producteurs et distributeurs impliqués pourraient réfléchir à une solution de standardisation des emballages sans marque, afin qu’ils puissent être utilisés par tous, puis lavés et remplis par des acteurs présents sur le territoire régional. Les collectivités peuvent jouer un rôle central, en participant notamment à la création de boucles locales de nettoyage et remplissage des contenants. Au-delà de la transformation des chaînes de distribution, les producteurs et commerçants devront enfin accompagner le consommateur au changement. Un travail de communication visible, claire et compréhensible est nécessaire pour expliquer aux clients le gain environnemental de ces nouvelles démarches, et surtout les aiguiller dans leurs choix, alors qu’ils font déjà face à de nombreuses injonctions : local, bio, de saison, différents labels et promesses publicitaires, choix d’un emballage en papier, plastique, recyclage, biosourcé… 1 Mise en œuvre des lois anti-gaspillage, économie circulaire et climat et résilience – Ministère de la transition écologique 2 Loi climat et résilience – Ministère de la transition écologique 3 Plastic and climate – Ciel 4 Les émissions de gaz à effet de serre du secteur du traitement centralisé des déchets – Notre environnement Dans la même série d’articles Yakafokon : « Pour préserver la biodiversité, il faut protéger les forêts » Yakafokon : « Il faut arrêter de manger de la viande pour sauver la planète » Yakafokon : « Il faut éliminer le plastique » Yakafokon : « Les industriels doivent atteindre la neutralité carbone »