Industriels : comment concilier crise énergétique et transition ?

Pour affronter l’hiver, mais aussi les suivants, les industriels doivent conjuguer économies énergétiques immédiates et transformation sur le long-terme. Par quoi commencer et comment financer la réalisation de ce double défi ?

Réduire les consommations énergétiques de l’industrie

Face à l’explosion des prix de l’énergie, les démarches d’efficacité énergétique et de décarbonation deviennent de plus en plus rentables. C’est un signal important pour les industriels qui font face à une équation complexe cet hiver : hausse des coûts énergétiques, mais aussi des matières premières, difficultés d’approvisionnement, de recrutement, et fragilité économique. Beaucoup se démènent pour mettre en place des actions aux gains énergétiques rapides. Elles ne suffiront malheureusement pas.

D’abord, le gouvernement français attend un effort collectif de 10 % d’économies d’énergie en 2 ans. Par ailleurs, tous les acteurs doivent contribuer à la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique. L’Union européenne vise ainsi la neutralité carbone d’ici 2050, et une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 57 % dès 2030. La seule issue est de concilier impératifs de court-terme et transformation au long court. Relever ce double défi est possible à condition de s’y prendre dans le bon ordre.

Ligne de production dans une usine agroalimentaire

4 étapes pour une transformation énergétique efficace

1. Connaître ses consommations et planifier

Agir dans le bon ordre implique d’avoir une vision d’ensemble des consommations énergétiques. Il est indispensable de commencer par mesurer tous les postes, identifier les plus gourmands, et les potentiels de réduction. Faut-il chercher des économies en priorité du côté des fours et séchoirs ? Ou plutôt de la production de froid, ou encore de l’éclairage ? On peut notamment s’aider d’outils digitaux, pour obtenir cette vue globale, suivre les évolutions dans le temps, et faciliter la prise de décision. Cet état des lieux complet est le point de départ pour planifier sa transformation énergétique. Grâce à un schéma directeur énergie, on fixe les objectifs, puis on détermine les étapes et plans d’actions pour y arriver, de façon à allier urgences de court et long terme.

2. Optimiser l’existant

Les premières actions à réaliser sont celles qui relèvent de l’amélioration de l’existant et n’exigent pas d’investir. L’objectif est de travailler sur les usages et d’optimiser la supervision des installations : chasse aux gaspillages, repérage d’éventuelles fuites, meilleurs réglages des températures, pressions et mises en veille, mais aussi arrêt des marches à vide ou des climatisations inutiles la nuit et le week-end. Il s’agit aussi de régler au plus près des besoins : par exemple, optimiser et redimensionner les utilités nécessaires au process, régler les sécheurs, très consommateurs d’énergie, en fonction de l’humidité constatée du produit à l’arrivée et de celle souhaitée en sortie, et non selon des réglages théoriques qui ne correspondent pas à la réalité du transport, du stockage, etc.

3. Investir pour aller plus loin

Une fois toutes les optimisations réalisées, il faut aller plus loin en remplaçant des équipements et en entreprenant des travaux d’efficacité énergétique. Selon les potentiels identifiés, on remplacera la chaudière, un compresseur, etc. Dans les Landes, le spécialiste des légumes surgelés Antarctic Foods a choisi de rénover sa salle des machines, et de récupérer et valoriser la chaleur fatale issue des groupes froids. Le spécialiste des légumes surgelés économise ainsi 200 000 € par an, 3 400 MWh et 900 t CO2. Fabricant d’emballages en polyéthylène recyclés, Reborn a remplacé trois équipements vieillissants et énergivores dans l’usine de Bernay. La chaleur fatale des nouvelles installations est également récupérée et valorisée sur site, pour chauffer des espaces de stockage et d’emballage. Le projet génère 10 % de gains annuels sur la facture énergétique.

Vue aérienne de panneaux photovoltaïques sur un toit

4. Produire son énergie autrement

Après avoir réduit au maximum les besoins, on peut s’intéresser aux sources d’énergie, dans l’objectif de décarboner et sécuriser ses approvisionnements. Pour renforcer l’autoconsommation, on maximise l’utilisation du potentiel d’énergies renouvelables et de la flexibilité sur site (photovoltaïque, stockage thermique, géothermie, etc.). La méthanisation et l’utilisation de la biomasse permettent aussi de revaloriser les déchets. Un industriel de la pharmacie utilisera ses pétales de fleurs, un industriel de l’agroalimentaire pourra se chauffer à partir des graisses animales, de résidus de légumes ou de céréales. Dans l’ameublement ou les scieries, ce sont les déchets de bois qui fourniront les chaudières biomasse. Une fois le potentiel du site exploité, reste à se tourner vers le territoire. Des boucles énergétiques locales via des réseaux de chaleur peuvent alors se mettre en place pour valoriser le surplus et mutualiser les flux.

Comment financer sa transition énergétique

L’efficacité énergétique n’a pas attendu la crise pour préoccuper les industriels. Néanmoins, il est l’heure de remettre les plans d’actions des audits énergétiques sur le haut de la pile, d’aller au bout des optimisations possibles, puis d’investir. Afin de lever le frein financier, qui constitue encore le principal frein à l’action d’après le dernier baromètre LCL-GreenFlex, faire dans le bon ordre est un prérequis. Les économies engendrées par les premières actions, plutôt faciles et abordables, permettent de financer les suivantes, plus onéreuses et ambitieuses. Pour le reste, la clé est d’hybrider les financements, en mêlant astucieusement aides publiques, primes privées telles que les CEE, et solutions de financements structurés sur-mesure. Antarctic Foods a couvert l’intégralité des 4,9 millions d’euros d’investissements, en combinant location, valorisation en CEE, et subventions régionales. Pour son projet, Reborn a ajouté un contrat de performance énergétique sur 5 ans, garantissant l’atteinte de 62 % d’économies d’énergie sur le périmètre du projet, et qui bonifie les primes CEE.

Nous devons réinventer nos façons de produire, de consommer l’énergie, et plus globalement nos modèles d’affaires, pour réduire drastiquement notre appétit énergétique, et nos émissions de gaz à effet de serre. Repousser le changement ne nous fait pas gagner du temps, mais seulement perdre de l’argent.

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