Décret tertiaire : décryptage de l’arrêté « valeurs absolues » pour les établissements d’enseignement

Le décret tertiaire vise à accompagner le passage à l’action des bâtiments tertiaires existants

Dans le cadre du décret tertiaire, l’arrêté « valeurs absolues » précise les réductions des consommations énergétiques attendues de la part des bâtiments d’enseignement à l’horizon 2030. Tous devraient anticiper les échéances suivantes, en adoptant un plan d’actions global et échelonné entre aujourd’hui et 2050.

Décret tertiaire : définition

Pour lutter contre le réchauffement climatique, la Stratégie Nationale Bas Carbone doit mener la France à la neutralité carbone d’ici 2050. Alors que le bâtiment représentait 19 % des émissions de GES en 2017, cette feuille de route prévoit que le secteur réduise significativement son empreinte carbone, notamment en améliorant sa performance énergétique.

Le décret tertiaire vise à accompagner le passage à l’action des bâtiments tertiaires existants. Il oblige à une réduction des consommations énergétiques selon trois paliers : 2030, 2040 et 2050. Les objectifs chiffrés peuvent être fixés de deux façons : soit l’assujetti devra atteindre successivement une baisse de – 40 %, – 50 %, puis – 60 %, sur la base d’une année de référence choisie entre 2010 et 2019 ; soit il répondra à des valeurs forfaitaires fixées pour les trois échéances, en fonction des caractéristiques du bâtiment et de son secteur d’activité.

Le décret tertiaire pousse les bâtiments d’enseignement à réduire leurs consommations énergétiques

Publié mi-janvier, le premier arrêté « valeurs absolues » précise ces objectifs forfaitaires pour trois types de bâtiments, dont les établissements d’enseignement. Les données sont déclinées selon son activité (maternelle, primaire, collège, lycée…), sa localisation et des facteurs d’usages (fonctionnement en et hors période de chauffage). Ces objectifs absolus sont pour l’instant connus à l’horizon 2030 uniquement.

À noter que l’arrêté donne également des précisions sur le dossier technique à fournir pour justifier la modulation des objectifs. Celle-ci est notamment prévue en cas de contraintes architecturales et pourrait concerner un certain nombre d’écoles, en raison du caractère historique de leurs bâtiments.

Arrêté « valeurs absolues » : des objectifs plus adaptés pour les écoles déjà performantes

L’objectif retenu (absolu ou relatif) dépend de la performance énergétique initiale de l’école. Pour les sites peu énergivores, présentant une bonne isolation thermique et des systèmes performants, la valeur absolue semble la plus intéressante, tandis que l’objectif relatif est plus adapté à des sites fortement énergivores, peu isolés, et avec des équipements vieillissants.

Pour illustrer cela, nous nous sommes penchés sur le cas concret de deux écoles, parmi les établissements suivis par GreenFlex. Toutes deux se situent en Indre-et-Loire, et sont donc soumises aux mêmes conditions climatiques. Ce sont des écoles élémentaires, chauffées par une production au gaz, et qui proposent des services similaires (restauration, CDI, gymnase, etc.). En revanche, l’une a bénéficié de travaux récents, quand l’autre n’a pas encore fait l’objet d’une rénovation énergétique.

L’école « performante » (112 kWh/m2/an) présente des systèmes énergétiques efficients (chaudière gaz à condensation), un bâti correctement isolé, des vitrages à haute performance thermique, ainsi qu’un éclairage LED. De son côté, l’école « non performante » (152 kWh/m2/an) dispose d’une chaufferie gaz traditionnelle datant de près de deux décennies, avec de mauvais rendements de combustion, des niveaux de régulation non optimisés, une isolation thermique inexistante, du simple vitrage très déperditif, ainsi qu’un éclairage composé d’halogènes et de lampes au sodium.

A l’échéance 2030 :

• L’objectif absolu (Cabs) est le plus simple à atteindre pour l’école « performante ». Fixé à 80 kWh/m2/an, il correspond à une réduction de 29 % de ses consommations énergétiques (contre 40 % pour l’objectif relatif).
• C’est l’inverse concernant l’école « non performante », pour laquelle l’objectif relatif (Crelat) est le plus proche. En effet, réduire les consommations de 40 % signifie atteindre 91 kWh/m2/an, alors que l’objectif absolu (Cabs) est fixé à 80 kWh/m2/an (ce qui revient à une diminution de plus de 47 %).

Anticiper les échéances suivantes et échelonner les actions de réductions énergétiques

Les réductions énergétiques attendues des établissements d’enseignement sont ambitieuses, mais les pistes d’actions facilement identifiables. Pour les bâtiments déjà relativement performants, les économies pourront être réalisées sans lourds travaux de réhabilitation, via la sensibilisation des écoliers, une meilleure gestion du système d’éclairage, une reprise de la régulation des chaudières, des systèmes de ventilation et de la production d’eau chaude pour la cantine, etc. Lors des audits énergétiques réalisés dans les écoles suivies par GreenFlex, on identifie jusqu’à 30 % de réductions possibles des consommations sans investissement, rien qu’en suivant et optimisant les réglages. Pour notre exemple d’école « performante », entretenir les équipements et mieux gérer les paramétrages pourrait ainsi largement contribuer aux 29 % de réductions attendues.

Pour les bâtiments moins performants, la contrainte apparaît plus grande, mais les axes d’amélioration sont encore plus nombreux : rénovation du bâti, modernisation de la production de chauffage, relamping en LED, etc. Bien qu’elles puissent être onéreuses, beaucoup de ces actions présentent des temps de retour sur investissement intéressants, et les primes CEE (Contrats d’Économie d’Énergie) peuvent couvrir tout ou partie des travaux. Le financement peut être complété par d’autres subventions, ou via des solutions de tiers-financement.

Dans tous les cas, il est impératif d’inscrire le plan d’actions dans une stratégie globale et au-delà de l’échéance de 2030. Pour une réduction efficace et ambitieuse des consommations énergétiques, les assujettis devraient hiérarchiser et échelonner dès maintenant les actions à mettre en place entre aujourd’hui et 2050, en regroupant celles concernant le même organe. Ainsi, mieux vaut rénover de façon globale, plutôt que d’agir d’abord sur les murs, puis sur les vitres d’une même façade, risquant de créer des ponts thermiques et de complexifier les travaux. Mieux vaut également remplacer l’ensemble des éclairages et installer le système d’optimisation associé, plutôt que de le faire en plusieurs fois et d’aboutir à une solution mal intégrée. Évidemment, tout ne peut se faire à très court-terme, mais parvenir au palier final nécessite d’anticiper et de hiérarchiser les actions dès aujourd’hui.  

En 2015, l’ADEME donnait une consommation moyenne de 140 kWh/m²/an pour les établissements d’enseignement. Toutes les consommations données ici sont en énergie finale.