COP26 : « Croyons en nos capacités d’action plutôt qu’au Père Noël »

GreenFlex était à la COP26, pour témoigner des progrès des boucles locales énergétiques de 5ème génération, aux côtés de ses partenaires du projet D2Grids. Comme beaucoup, nous avons été déçus du contenu des accords diplomatiques. En revanche, la capacité des entreprises à basculer dans l’action, combinée à une mobilisation citoyenne pour maintenir la pression, nous ont frappés plus que jamais. Ce sont elles qui feront bouger les lignes

Par Sébastien Delpont, Directeur conseil GreenFlex

Beaucoup d’attentes

Greta n’était pas contente, et elle avait raison. La COP26 devait être celle de la clarification de l’action. En 2015, la COP21 avait accouché de l’Accord de Paris. Près de 200 pays s’étaient alors engagés à contenir le réchauffement climatique nettement en-dessous de 2°C, et si possible 1,5°C, par rapport à l’ère préindustrielle. La COP26 était particulièrement attendue pour finaliser les modalités opérationnelles et techniques de cet accord, et pour régler la question du financement, notamment entre les pays Nord et Sud.

On espérait aussi que la conférence de Glasgow permettrait de rehausser l’ambition climatique. Avant l’ouverture, l’Organisation des Nations Unies (ONU) estimait qu’on se dirigeait vers un réchauffement de 2,7°C ou plus, compte tenu du non-respect des objectifs par les gouvernements. Le constat alarmant du GIEC en août dernier résonnait également dans beaucoup de têtes.

Mais un flop prévisible

Pourtant, la COP26 a majoritairement déçu. On note trois regrets principaux :

  1. L’engagement des États stagne : le contexte international s’annonçait peu propice aux négociations. Affaiblis par la crise sanitaire, de nombreux pays arrivaient otages de leur politique intérieure. Enjeux électoraux, pouvoirs populistes et conflits géopolitiques divers ont aussi compliqué le renforcement des engagements.
  2. Les pays fragiles ont été traités avec cynisme : sans leviers d’action, les pays pauvres et fragiles exprimaient leur effarement face aux conséquences du réchauffement climatique et aux engagements non tenus des plus riches.
  3. La sobriété et l’efficacité énergétique brillent par leur absence: la bataille des imaginaires se concentre sur le futur de la mobilité (hydrogène, électrique) ou encore les énergies renouvelables, et très insuffisamment sur le « moins consommer ».

L’espoir, ailleurs

Au milieu de ces difficiles tractations politiques, au moins trois notes d’espoir ont néanmoins percé lors de cette COP26 :

  1. Le Net Zéro s’est imposé comme objectif universel : on ne discute plus de « où » il faut aller, la neutralité carbone s’est imposée comme l’objectif de tous. C’est le « quand et comment » qui fait débat. La parabole de l’alcoolique déterminé à arrêter de boire en 2050 a bien illustré l’enjeu du tempo. Pour avancer, il est précieux de savoir où on veut aller : ça y est, la neutralité carbone est rentrée dans le GPS comme destination, mais il va être nécessaire d’y aller plus rapidement qu’à 2 km/h.
  2. Des progrès et des engagements se font par filières : les accords sont plus faciles à passer entre des acteurs clés de filières plutôt qu’entre 195 États. De tels accords sectoriels impliquent moins de parties, se pilotent avec des indicateurs plus simples et limitent les frustrations concurrentielles (les entreprises acceptent mieux des contraintes si leurs concurrents clés internationaux ont les mêmes…). Elles ont réussi à offrir de belles avancées sur le charbon (presque fin programmée), le méthane (réduction de 30 % des émissions d’ici 2030, promise par 105 pays), les forêts (renversement de la déforestation au niveau mondial d’ici 2030), et dans certains secteurs (automobile, finance…).
  3. Le greenwashing recule et bien plus d’entreprises s’engagent sérieusement : beaucoup d’acteurs économiques ne font plus semblant. Ils assument de mieux en mieux leurs responsabilités et osent se confronter aux vrais problèmes, quand bien même ceux-ci sont perturbants en regard de leur histoire, de leur savoir-faire et de leur modèle d’affaires. Sous la pression de leurs parties prenantes (pouvoirs publics locaux, règlementations, investisseurs, consommateurs, citoyens) et de nos enfants, certaines entreprises commencent de sérieux passages à l’action. Cela pourra générer un impact positif bien plus rapide que d’attendre un accord inter-étatique ambitieux entre 195 pays, peu probable, bien que souhaitable.

Chaque dixième de degré supplémentaire évité sauvera des vies, le GIEC nous l’a rappelé cet été. Il n’est pas question de se démobiliser. Alors croyons en nos actions plutôt qu’au Père Noël. Barack Obama l’a rappelé avec raison aux organisations de jeunes à Glasgow : « I want you to stay angry ». Acteurs économiques et citoyens : soyons frustrés, restons indignés et exigeants, incarnons l’espoir, et continuons à œuvrer à mettre le monde sur une meilleure trajectoire. Notre monde d’après, sobre et décarboné, existera parce que nous l’aurons bâti.