Bureaux : comment atteindre les objectifs du décret tertiaire ?

Les bureaux font partie des nombreux bâtiments concernés par le décret tertiaire. Pour atteindre les objectifs attendus, il est essentiel de prévoir et échelonner les actions de réduction des consommations énergétiques, ainsi que d’anticiper la répartition parfois délicate des obligations entre propriétaires et locataires

Ambitions du décret tertiaire pour les bâtiments de bureaux

Dès septembre, les premières données devront être saisies pour répondre aux exigences du décret tertiaire. Celui-ci vise à réduire les consommations énergétiques du parc tertiaire existant, pour toute surface supérieure à 1 000 m2. Des paliers successifs seront à atteindre en 2030, 2040 et 2050, avec deux modalités de calcul à chaque échéance :

• L’objectif relatif, qui fixe une baisse graduelle de – 40 %, – 50 %, puis – 60 % par rapport à une année de référence établie entre 2010 et 2019 ;

• L’objectif absolu, qui impose une valeur à chaque étape, en fonction de l’activité du bâtiment, de ses facteurs d’influence et d’usage. Publié en début d’année, le premier arrêté « valeurs absolues » a précisé ces objectifs forfaitaires pour 2030 concernant trois catégories de bâtiments, dont les bureaux.

Sur l’échantillon de bureaux audités par GreenFlex, la consommation moyenne des bâtiments est de 165 kWh/m²/an. Pour des bureaux en open-space situés à Reims, par exemple, avec une consommation énergétique dans cette moyenne et une occupation « classique », l’objectif absolu pour 2030 sera fixé à 117 kWh/m2/an. Ce seuil sera donc préféré à l’objectif relatif (pour rappel : une réduction de 40 %, soit une limite de 99 kWh/m2/an).

De façon générale, la valeur absolue sera privilégiée par les bâtiments les moins consommateurs d’énergie en situation initiale. À l’inverse, les bureaux les plus consommateurs opteront pour le calcul relatif. L’Observatoire de l’Immobilier Durable estime que ces derniers représentent environ la moitié du parc français, tandis que 19,5 % des bâtiments de bureaux se situeraient déjà sous les seuils en valeur absolue et seraient donc en conformité avec le décret tertiaire pour l’échéance 2030.

Quelles actions pour atteindre les réductions de consommations exigées ?

L’échantillon de bureaux observés lors de nos audits montre que le niveau de consommation initial n’est pas forcément corrélé à la performance théorique du bâtiment (bâti et/ou équipements). Dans les faits, un bâtiment récent, pourtant soumis à de lourdes contraintes réglementaires lors de sa construction, peut avoir une consommation plus importante qu’un bâtiment plus ancien, considéré comme une « passoire thermique » et disposant de systèmes vieillissants. En effet, un bâtiment neuf dispose de systèmes énergétiques plus performants, pouvant toutefois s’avérer plus difficiles à exploiter et maîtriser techniquement. Les dispositifs de régulation (consignes de température, débits d’air pour la ventilation, gestion des luminaires…) sont souvent mal optimisés et conduisent à des surconsommations qui dérivent de plus en plus. Leurs occupants se révèlent aussi moins conciliants quant aux températures froides, et les responsables techniques sont souvent amenés à les rehausser.

Ainsi, les opérations à mener dans le cas d’un bâtiment théoriquement performant viseront en priorité l’optimisation de systèmes existants. Les pistes sont nombreuses et apporteront des économies immédiates : ajuster les températures de confort en fonction de l’occupation des locaux, optimiser les débits de ventilation, utiliser les unités mécaniques de ventilation pour rafraîchir passivement les locaux et limiter le recours aux climatiseurs… À court terme, les remplacements de matériel pourront être évités, et l’amélioration des systèmes existants n’entraînera pas d’investissements importants : mise en place de ventilateurs à entraînement direct, d’interrupteurs crépusculaires ou d’horloges sur les tableaux électriques… Il est en tout cas indispensable que le plan d’actions soit accompagné d’une sensibilisation des occupants à leurs usages énergétiques et leur impact sur l’environnement.

Dans le cas d’un bâtiment vieillissant, les travaux à entreprendre seront plus lourds… et les économies d’autant plus importantes. Une isolation thermique totale peut par exemple apporter jusqu’à 50 % d’économies sur les besoins de chauffage ! D’autres travaux d’envergure devront être prévus et échelonnés au fil des années pour atteindre les seuils attendus : remplacement du système de chauffage, mise en place de centrales de traitement d’air, remplacement des éclairages par la technologie LED… L’installation d’un système centralisé de contrôle et de commande des équipements devra aussi permettre un fonctionnement optimal sur la durée.

Notons que la relation entre l’investissement et le gain énergétique apporté n’est pas linéaire. Les premiers euros dépensés apportent un gain énergétique fort, tandis que le rapport investissement/gain diminue passé un certain seuil d’économies réalisées. Si les disparités sont nombreuses, les plans d’actions mis en place avec nos clients montrent qu’il est possible de réaliser en moyenne 13 % d’économies sans investissement, que les travaux coûtent environ 60 €/m2 pour réaliser 30 % de réduction des consommations, et autour de 100 €/m2 pour atteindre 40 %. De très nombreuses actions d’amélioration de la performance énergétique sont prises en charge par le dispositif des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), autant sur l’isolation thermique de l’enveloppe que sur le remplacement ou l’optimisation des systèmes énergétiques.

Une répartition délicate des responsabilités

S’agissant des bâtiments de bureaux, les occupants sont rarement propriétaires de leurs locaux. Les acteurs impliqués pour répondre aux exigences du décret tertiaire sont donc multiples. Pourtant, la réalisation des travaux, leur financement et les obligations de reporting exigent une répartition des rôles sans équivoque.

Depuis la loi Pinel de novembre 2014, le bail commercial indique en principe les rôles de chaque partie prenante, via une annexe environnementale obligatoire pour toute surface supérieure à 2 000 m2. Par exemple, le changement des luminaires revient au preneur, tandis que le bailleur doit s’occuper de la modification du système CVC. Cependant, de nombreux baux anciens sont renouvelés tacitement et ne définissent pas ces responsabilités. La dichotomie directrice qui s’applique alors est la suivante : l’entretien est à la charge du preneur, et les grosses interventions à celle du bailleur.

Recourir à un prestataire de services de performance énergétique, dans le cadre d’un accompagnement décret tertiaire, peut simplifier les négociations pour délimiter les responsabilités. Capable de suivre la contractualisation des actions entre bailleur et preneur, le prestataire saura aussi établir un plan pluriannuel de travaux, accompagner à la mise en œuvre et au financement des actions, ainsi que piloter la performance sur le long terme.

Toutes les consommations sont données en énergie finale. En 2020, l’Observatoire de l’Immobilier Durable donnait une consommation moyenne en France de 168 kWh/m²/an.