Après-COVID-19 : orienter la relance sur l’innovation sociétale et écologique

Replonger dans les crises passées qui ont marqué le monde

Post-guerre : une relance économique rapide

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le paysage économique et industriel est intégralement à réinventer. En France, outre le lourd bilan humain, la plupart des villes et infrastructures essentielles ont été détruites, et un million de ménages se retrouvent sans-abri. Les moyens de production ont aussi largement été affectés, et toute une partie de l’industrie s’est réorientée vers la production de matériel de guerre.

La reprise post-guerre a néanmoins prouvé que l’économie pouvait se relever très rapidement d’un traumatisme sans précédent, en instaurant de nouveaux modèles économiques et financiers. Au milieu de 1944, les accords de Bretton-Woods signent la création du FMI et de la Banque Mondiale. Avec ces accords, naît une nouvelle organisation pour le système monétaire international, centrée autour de la valeur du dollar américain. Par ailleurs, les Etats mènent une politique interventionniste pour piloter le redressement de l’économie et assurer une reconstruction rapide. En France, plusieurs pans de l’économie sont ainsi nationalisés : l’énergie, les transports et l’acier. Surtout, les banques américaines accordent des crédits aux gouvernements européens grâce au Plan Marshall, leur permettant de rééquiper rapidement l’industrie et les filières agricoles. En contrepartie, les Européens s’engagent à acheter des biens de consommation aux entreprises américaines.

Inégalités sociales et émissions carbone

Les résultats de ces plans de relance semblent mirifiques. A la fin de l’année 1944, les niveaux de production industrielle en France représentent seulement 42 % de ceux de 1938. Pourtant, ils reviennent à la situation d’avant-guerre dès 1948. S’ouvre alors une période de croissance économique sans précédent : les Trente Glorieuses. Ces années sont également témoins de progrès sociaux majeurs : réduction des inégalités hommes-femmes, création de la sécurité sociale, etc.

Derrière cette affiche prometteuse, les Trente Glorieuses cachent toutefois certains dérèglements cruciaux. Malgré des avancées sociales clés, les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres se creusent considérablement à partir de cette période. En parallèle, les Etats-Unis assoient leur position de leader économique grâce au plan Marshall, en inondant l’Europe de leurs produits. Par là même, ils lancent le passage globalisé vers la société de consommation, qui s’accompagne d’une reprise accélérée des émissions de gaz à effet de serre (GES) par l’humanité.

La nature et les conséquences de la pandémie du COVID-19 sont drastiquement différentes de celles de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, la quasi-totalité du globe a également été touchée. L’économie s’est presque trouvée à l’arrêt pendant plusieurs semaines et de nombreux secteurs seront durablement affectés. Toute une partie de l’industrie a temporairement réorienté sa production, cette fois vers la santé. La crise sanitaire actuelle donnera donc lieu à une relance économique, qui doit à tout prix éviter les dérèglements de la reprise post-guerre.

Après-COVID-19 : une reprise qui vise bien-être sociétal et durabilité écologique

Faisons en sorte que l’après-COVID-19 permette de réinventer notre rapport à l’économie sur deux aspects essentiels : le bien-être social et sociétal, et la durabilité écologique. Les dernières semaines ont montré la capacité de l’industrie à s’adapter et innover très rapidement. De nombreuses usines se sont réorientées vers la production de matériel de santé : pièces de respirateurs dans l’industrie automobile, visières de protection dans les fablabs, masques pour les entreprises de textile, ou encore gel hydroalcoolique pour le secteur de l’agroalimentaire. La reprise économique doit elle aussi être génératrice d’innovations permettant de repartager les richesses plus équitablement, et d’apporter un progrès du bien commun sur tous les territoires.

Utilisons aussi cette capacité d’innovation et d’adaptation pour respecter les scénarios 2°C. En effet, au-delà des solutions technologiques que peuvent apporter les énergies renouvelables ou les transports en commun, une réorganisation complète de nos modes de vie et d’interaction est nécessaire pour espérer réduire nos émissions carbone de 7,6 % chaque année, jusqu’en 2030 et à l’échelle planétaire. Cela devra sans doute se traduire par plus de sobriété et de nouveaux modèles de consommation, bien différents de celui que nous connaissons.

Saurons-nous profiter de cette crise pour réorienter notre économie vers un modèle régénératif et résilient ? Saurons-nous construire un modèle nous assurant que nous ne vivrons « plus jamais ça », mais aussi que nous éviterons une crise écologique majeure ? Il ne tient qu’à nous d’en décider.