Yakafokon : « Il faut investir massivement dans la rénovation des bâtiments »

Réduire l’empreinte énergétique et climatique de nos bâtiments est urgent. Pourtant, malgré les nombreux financements existants, peu de rénovations qualitatives sont réalisées. Pour rénover de façon efficace et globale, il est en fait impératif de transformer la filière

« Pour sauver la planète, il n’y a qu’à… Il faut… Les entreprises doivent… » Ces injonctions vous sont familières ? Dans la série « Yakafokon », GreenFlex démêle le vrai du faux dans les grands poncifs censés guider le monde de demain, afin d’aider les acteurs économiques à changer concrètement et efficacement de trajectoire.

Un rythme de rénovations bien en deçà des objectifs nationaux

En France, le secteur résidentiel-tertiaire émet plus de 20 % des émissions de CO2 et est celui qui consomme le plus d’énergie (46 %). Afin de rester sous la barre des +2°C de réchauffement planétaire, les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été fixés à 49 % d’ici 2030. Pour ce faire, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) prévoit la rénovation performante ou très performante de 500 000 logements par an. Or, sur ces dernières années, le rythme annuel a été de moins de 1 000 rénovations E=0 (très performantes), environ 30 00 rénovations BBC (performantes) et moins de 300 000 rénovations modérément performantes.

Pour accélérer le rythme des rénovations, les financements se multiplient. Dernier en date, le plan France Relance place la rénovation énergétique en tête de son rapport, et prévoit d’y consacrer 6,7 milliards d’euros, dont 2 milliards pour les logements privés. Pourtant, débloquer toujours plus d’argent ne règlera pas tout, tant qu’on ne changera pas la manière dont on rénove.

Un marché actuel qui favorise des rénovations partielles et inefficaces

Rénover coûte effectivement cher. Pour remédier à cet obstacle, se sont notamment développés les dispositifs de financement permettant de ne débourser que le fameux « 1€ » pour réaliser ses travaux de rénovation. Ce mécanisme a malheureusement conduit à deux dommages collatéraux. Premièrement, une minorité d’éco-délinquants en a profité pour arnaquer des ménages, en réalisant des travaux pleins de malfaçons, voire via des déclarations fictives qui prétendent avoir réalisé des travaux inexistants. Cela a participé à discréditer l’acte de rénover.

Deuxièmement, ces dispositifs ont encouragé les ménages à se tourner vers un ou deux gestes simples devenus abordables (isolation des combles, changement de chaudière, etc.). Ils ont ainsi préféré des actions isolées de rénovation, sans se rendre compte qu’il était possible de faire bien plus et bien mieux. Ces gestes uniques ne réduisent que très peu la consommation d’énergie des logements et rares sont les « travaux à 1€ » qui font gagner une classe d’étiquette énergétique. Ils sont donc insuffisants pour faire évoluer tout le parc vers une étiquette énergétique A ou B.

Afin de redonner confiance aux ménages, et surtout d’atteindre le niveau quantitatif et qualitatif de rénovations visé, la nécessité d’amener la filière du bâtiment vers des rénovations globales et performantes s’impose de plus en plus. Pourtant, les quelques rénovations globales réalisées à date ne sont souvent pas aussi performantes qu’estimées. C’est une preuve de plus du fait que la filière doit prendre un virage net dans ses méthodes.

Un virage à prendre pour la filière

Afin de remédier au décalage entre la performance estimée et la performance observée, il est nécessaire de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats. Il faut ainsi viser une réduction des consommation réelles, et non plus une amélioration de l’étiquette énergétique, qui n’est que théorique. Ces objectifs de résultats se doivent d’être ambitieux pour atteindre les performances attendues du parc français. Un maximum de rénovations passives, voire positives, doivent être réalisées. Pour assurer la pérennité de la réduction des consommations et encourager les entreprises à choisir les meilleures solutions techniques, une garantie de performance est souhaitable et exige un suivi fréquent.

La filière a aussi besoin de s’inspirer d’autres domaines pour s’industrialiser, et ainsi accélérer le développement de ces rénovations qualitatives et les rendre abordables. En capitalisant sur la préfabrication en usine, le secteur de la rénovation peut augmenter sa productivité et donc réduire ses coûts. Ces derniers pourront également être mutualisés à l’échelle de volumes conséquents. Au-delà de la baisse des coûts, le « hors-site » permet de réduire les déchets de chantier et d’en diminuer la pénibilité. Une filière qui tend vers ces méthodes vertueuses attirera inévitablement de nombreux talents et des personnes en reconversion, qui auront besoin d’y être formés. Certaines démarches, comme EnergieSprong ou Dorémi, ont déjà fait le pari de ces transformations.

Le besoin de rénovations globales et industrialisées est de plus en plus communément admis. Elles sont d’ailleurs insérées dans le plan France Relance. Se pose à présent la question des modalités : les pistes indiquées ci-dessus peuvent faire figure de critères de performance intéressants pour soutenir l’évolution de la filière.