Loi Climat et Résilience : mise en œuvre et répartition des efforts

Issu des travaux de la Convention Citoyenne, le projet de loi Climat et Résilience montre la difficulté à trouver un consensus de société sur la vitesse de la transition environnementale, ainsi qu’une juste répartition des efforts. Pourtant, le nouveau mode de gouvernance né avec cette expérience pourrait nous aider à y parvenir

Une question de vitesse du changement

De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le décalage manifeste entre les objectifs que la France s’est fixé pour lutter contre le changement climatique et les moyens qu’elle se donne pour y parvenir. Ce sont la science et nos engagements internationaux qui ont conduit le pays à ces ambitions. Néanmoins, la semaine dernière, les actions associées étaient remises en question par le jugement du tribunal administratif de Paris, dit de « L’Affaire du siècle ». Cette semaine, ce sont celles proposées dans la loi Climat et Résilience, présentée en Conseil des ministres, que nombre d’observateurs jugent insuffisantes.

Désormais, plus personne ne doute de la direction dans laquelle aller : la destination sera le zéro carbone. La question qui se pose est plutôt celle de la vitesse à laquelle avancer et de l’accélération à engager dans les années à venir. Ce réglage ne fait pas encore consensus. Pourtant, plus on attend et l’on commence par des petits pas, plus il faudra accélérer en bout de course, car la ligne d’arrivée est non négociable et le compte à rebours déjà lancé.

Choisir comment répartir nos efforts au sein de la société

On constate une vraie contradiction sociétale entre cette conviction qu’il faut accélérer, et une volonté concomitante de freiner, par peur des contestations. C’est un dilemme pour nos gouvernants. Quel consensus de société peut-on créer pour avancer ? Existe-t-il un équilibre raisonnable et sérieux entre nos actions molles à court-terme et nos objectifs élevés à long-terme ? Parmi les mesures mises en œuvre, il y a un juste dosage à trouver entre carottes et bâtons. On a besoin de donner goût à la transition, en l’accompagnant. En parallèle, il faut oser la fermeté sur certains points, en interdisant ou contraignant les activités qui doivent l’être.

L’autre arbitrage clé réside dans la juste répartition des efforts entre tous les secteurs d’activités. L’agroalimentaire doit-il faire deux fois plus, deux fois moins ou le même effort que le BTP ? Certes, des limites techniques existent quant aux capacités ou au coût pour décarboner les filières. C’est pourquoi les tenants et aboutissants de ces choix politiques doivent être mieux expliqués. Au-delà des secteurs, nous devons valider ce qui nous semble une « transition juste » en tant que société. Quelle répartition des efforts entre villes et campagnes ? Entre entreprises et citoyens ? Entre État et collectivités ? Entre entreprises délocalisables et non délocalisables ? Entre PME et grands groupes ? Entre riches et pauvres ? Entre jeunes et anciens ?

Continuer à bâtir une gouvernance du choix

L’Allemagne a su créer un consensus politique pour abandonner les énergies fossiles et fissiles, et passer à un mix 100 % énergies renouvelables d’ici 2050. Le pays a ainsi établi différentes vitesses et accélérations de sortie du charbon, du nucléaire, du pétrole et du gaz. Afin de favoriser tout de même la compétitivité de son industrie, le pays a fait le choix de sponsoriser le coût de l’électricité pour ce secteur, en reportant davantage de taxes sur les particuliers. De la même manière, nous devons chercher un consensus de société, et trouver le mode de gouvernance qui nous permettra de le bâtir, l’assumer et le tenir.

La démarche participative de la Convention Citoyenne est en tout cas à saluer. Entre autres, l’expérience prouve la puissance de l’information et de l’explication pour augmenter l’acceptabilité de mesures considérées a priori comme inaudibles. C’est donc certainement un modèle capable de nous mener sur la voie d’un consensus sociétal, et il faut souhaiter qu’il se poursuive sous une forme à inventer, en changeant d’échelle et incluant d’autres parties prenantes.

Les citoyens sont bien plus prêts à des changements radicaux qu’on ne le croit, pour peu qu’on leur explique bien la situation. Le succès d’approches pédagogiques comme la Fresque du Climat en est une autre illustrationEn plus de cette loi Climat et Résilience, et si on déployait un effort massif pour éclairer 67 millions de Français sur les enjeux de cette transition, aussi bien que cela a été fait pour les 150 citoyens tirés au sort ? Au-delà du numéro de page sur lequel inscrire « climat » dans la Constitution, un référendum tenu dans un an pourrait alors nous permettre de trancher sur quelles vitesses, accélérations et répartitions de nos efforts nous souhaitons collectivement pour la transition écologique de notre pays.

Par Clémence Calzaroni, Directrice Conseil RSE, Parties Prenantes et Sébastien Delpont, Directeur Conseil, GreenFlex