Les entreprises carburent au biométhane

Poussée par des pouvoirs publics moteurs et un développement des technologies, la filière biométhane est en croissance

Après les agriculteurs, pionniers en la matière et qui concentrent plus de la moitié des unités de méthanisation en France, les entreprises s’intéressent de plus en plus à la production de biogaz. Producteurs de biodéchets, industrie agroalimentaire ou même parcs animaliers, mais également PME soucieuses de leur impact environnemental, le champ des acteurs est large. Et chacun a des objectifs distincts.

Les unités de méthanisation se multiplient sur les exploitations agricoles qui abritent, selon une étude, plus d’un méthaniseur sur deux en France. Ainsi, les agriculteurs peuvent valoriser lisiers, fumiers ou autres coproduits agricoles en les transformant en biogaz, électricité ou chaleur, bénéficiant d’une nouvelle source de revenus grâce à la revente de ces énergies au réseau public. Forts de ces retours d’expérience, d’autres acteurs se sont intéressés à la création de biogaz à partir de leurs coproduits, en particulier les industriels de l’agroalimentaire et plus largement les entreprises qui produisent des déchets organiques, ou celles soucieuses de leur impact environnemental. Elles y voient une manière de valoriser leurs résidus ou de réduire leur empreinte carbone, notamment pour répondre aux réglementations actuelles ou anticiper celles à venir.

Chauffage au biométhane, neutralité carbone et valorisation des déchets

Certaines sociétés s’associent ainsi à des agriculteurs pour se lancer dans la méthanisation, d’autres investissent seules ou aux côtés de collectivités territoriales. Le groupe Prêt à Partir, installé en Meurthe-et-Moselle, a par exemple fait le choix de s’associer à une dizaine de paysans locaux et a investi près de 5 millions d’euros dans son méthaniseur en août dernier. L’objectif de cette société spécialisée dans le transport de voyageurs, qui réalise 100 millions d’euros de chiffre d’affaires ? Avoir une empreinte carbone proche de zéro à l’horizon 2025. Une ambition en lien avec l’objectif fixé par le Ministère de la Transition Écologique, dans le cadre de la loi énergie-climat, qui vise à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en France. La loi impose d’ailleurs aux entreprises de plus de 500 salariés de réaliser tous les quatre ans un bilan d’émissions de gaz à effet de serre.

En Vendée, l’un des leaders français du biscuit apéritif, Europe Snacks, s’est également associé à un agriculteur pour valoriser ses graisses. Ensemble, ils ont co-investi 1,2 million d’euros. L’industriel, qui emploie 2 000 salariés et réalise 350 millions d’euros de chiffre d’affaires, a investi 200 000 € et souhaite ainsi transformer ses déchets en calories permettant de chauffer l’eau nécessaire au nettoyage de son usine.
Pour le producteur de canards Ernest Soulard, basé à quelques kilomètres de là, l’idée était plutôt de trouver une solution pour valoriser ses déchets, comme les graisses ou les viscères, mais aussi les lisiers. En 2017, il s’est donc lui aussi lancé dans la méthanisation, aux côtés du groupe Fonroche, spécialisé dans la production d’énergies renouvelables et qui a participé à hauteur de 55 % à l’investissement de 11 millions d’euros. Pour les deux associés, l’investissement devrait être rentabilisé dans les 15 ans à venir.

Certains projets, plus inattendus, en profitent pour communiquer sur leur démarche. Le zoo de Thoiry, en région parisienne, a par exemple fait le choix d’installer une unité de méthanisation sur son site pour valoriser son fumier et ses déchets organiques, comme les fruits et légumes ou l’huile de friture végétale. Le château de Thoiry, qui se situe à proximité du zoo, est ainsi chauffé grâce au biométhane, tout comme l’orangerie et certains habitats des animaux. Un projet à 5 millions d’euros, imaginé par la Présidente directrice général du zoo et sa Directrice d’exploitation.

Penser à l’échelle du territoire et considérer les impacts globaux

La filière du biométhane est donc en pleine croissance. En 2018, 661 projets étaient à l’étude selon GRTgaz. Toutefois, la France pourrait-elle être plus ambitieuse ? Un objectif de 10 % de biométhane dans le réseau public à l’horizon 2030 a été fixé au niveau national. Pourtant, ce seuil serait déjà quasiment dépassé, et selon l’Agence de la Transition Écologique (ADEME), la France serait capable de couvrir la totalité de ses besoins en gaz grâce aux énergies renouvelables à l’horizon 2050.

Les synergies territoriales sont la clé pour le développement de la méthanisation, proposant des collaborations sous format d’écologie industrielle, où les coproduits de l’un forment la ressource de l’autre. Dans tous les cas, cet engouement ne doit pas minimiser l’importance d’une vision globale des impacts lors de la mobilisation d’une ressource. En effet, le développement de la bioénergie risque de plus en plus de se faire au détriment des filières de nutrition animale locales, encourageant ensuite l’importation de produits étrangers à fort impact environnemental et allant à l’encontre du dessein initial.
Développer un projet de méthanisation au sein de son entreprise implique de réaliser avant tout une analyse des impacts sur l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement et son écosystème, mais aussi d’adopter une approche territoriale, permettant un développement – durable – de la filière biogaz française.