Bilan Carbone : comment calculer l’empreinte carbone dans la filière vin ?

L’évaluation de l’empreinte carbone est devenue incontournable au sein du secteur viticole-vinicole. D’abord parce que c’est la première étape d’une stratégie bas carbone, indispensable pour atteindre les objectifs climatiques du secteur agricole. Mais aussi parce que la “viti-vini » offre des réponses face au réchauffement climatique. Pour mener l’évaluation carbone à bien, il convient d’identifier les métiers et activités les plus émetteurs et donc ceux sur lesquels il faudra agir en priorité. C’est l’objectif du Bilan Carbone®.

Quelle est l’empreinte carbone du secteur viticole en France ?

En France, on compte 789 000 hectares de vignes, 600 coopératives (hors Champagne) et 700 maisons de négoce. Le secteur viticole (16 % de la production agricole française) génère près de 4,2 Mt de gaz à effet de serre, soit 0,7% des émissions françaises.

La viticulture, et plus largement l’agriculture, est à la fois victime, cause et solution face au dérèglement climatique. Sécheresses, fortes pluies, grêle, mais aussi maladies n’épargnent pas le secteur viticole-vinicole. Si l’adaptation du secteur aux aléas climatique (pluies, sécheresses, fortes chaleurs, gel tardif, maladies, grêle…) est indispensable pour sa pérennité, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et le stockage du carbone dans le sol sont des pratiques à déployer pour atténuer le réchauffement.

Répartition des émissions de gaz à effet de serre de la viticulture

Quelles sont les principales sources d’émissions de carbone dans la viticulture ?

Les émissions du secteur viticole proviennent majoritairement des emballages, qui pèsent entre 40 et 50 % de l’empreinte, en fonction des typologies de contenants utilisés (BIB, bouteille, vrac…). Cela s’explique d’abord par la forte intensité carbone de la bouteille de vin en verre. Celle-ci représente environ 60 % des volumes de vin distribués en grandes et moyennes surfaces.

La production du raisin représente, elle, 30 à 40 % des émissions du secteur. Fabrication et épandage des fertilisants azotés et combustion de carburant pour le fonctionnement des tracteurs agricoles sont à l’origine de ses émissions.

10 % des émissions de GES proviennent du fret, liées principalement à l’acheminement des bouteilles du producteur au client (grande et moyenne surface, caviste, restaurateur…). Cela s’explique par le poids important du verre, des longues distances parcourues pour l’export et de l’intensité carbone élevée du transport routier.

Enfin, l’énergie (gaz principalement), les immobilisations (cuves, parking, bâtiments), fuites de fluides frigorigènes ou déplacements des professionnels et touristes représentent 10 % des émissions restantes.

Pourquoi réaliser un Bilan Carbone® ?

Afin d’agir au bon niveau, les acteurs du vin doivent d’abord connaître leurs impacts. C’est le rôle du Bilan Carbone® ou de toute autre méthodologie de mesure des émissions de GES. Évaluer ses émissions de gaz à effet de serre présente de nombreux bénéfices :

  • Réponse aux attentes de ses parties prenantes (clients, fournisseurs, investisseurs) notamment en termes d’indicateurs de durabilité de leur chaîne de valeur
  • Conformité avec les réglementations telles que la CSRD ou le bilan réglementaire des émissions de gaz à effet de serre
  • Économies d’énergie mises en place après l’étape de mesure du Bilan Carbone®. Il peut s’agir d’actions de sobriété, d’efficacité énergétique ou de recours aux énergies renouvelables, qui participent à la réduction des émissions de GES
  • Amélioration de sa stratégie RSE grâce aux actions de réduction des émissions carbone mises en place
Illustration Diag Décarbon'action

Bilan carbone : définition et réalisation

Le Bilan Carbone® est une méthode d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre d’une organisation. Outil d’aide à la décision, cette étape est essentielle pour atténuer les effets du réchauffement du climat. Il s’agit d’un exercice de comptabilité qui vise à saisir des données concernant une année dans un outil spécifique. Le Bilan Carbone® liste ainsi les principaux postes d’émissions afin de mieux les réduire, grâce à un plan d’action approprié.

La réalisation d’un Bilan Carbone® en entreprise peut être menée par une personne formée à la méthodologie. Ainsi, le recours à un partenaire est une pratique fréquente pour mener à bien ce projet.

L’évaluation de l’empreinte carbone peut être soutenue par Bpifrance dans le cadre du Diag Décarbon’action, programme subventionné de 4 000 à 6 000€. Grâce à ce programme, un expert intervient au sein de l’entreprise pour aider à la mesure et à la construction d’une feuille de route.

Comment calculer l’empreinte carbone d’un acteur viti-vinicole ?

Pour réaliser un bilan de gaz à effet de serre, suivre plusieurs étapes est indispensable :

  1. Comprendre la méthodologie de calcul

On parle généralement de Bilan Carbone® pour désigner le fait de mesurer ses émissions de GES. Pourtant, il s’agit d’une des méthodes disponibles pour connaître son impact, au même titre que le GHG Protocol.

Le choix de la méthode peut être orienté par une éventuelle exigence réglementaire : la méthode Bilan Carbone® par exemple, est compatible avec les attentes liées à la CSRD.

  1. Sensibiliser ses parties prenantes

Pour l’étape de collecte des données, l’exercice de comptabilité carbone nécessite l’implication de ses parties prenantes à différentes échelles, parmi tous les métiers d’une organisation (maître de chai, responsable vignoble, etc..), mais aussi tout au long de sa chaîne de valeur (verrier, fournisseurs de vins ou de raisin, etc..). Une sensibilisation de type Fresque du Climat est un bon moyen pour impliquer les participantes et participants internes.

  1. Déterminer le périmètre de l’étude

Un bilan des émissions de gaz à effet de serre peut porter sur différents périmètres organisationnels, correspondant à différents métiers : viticulture, vinification, élevage, conditionnement, logistique. Il est impératif de choisir le périmètre le plus large en se concentrant sur les activités aux plus fortes émissions de GES.

  1. Collecter les données

L’étape la plus sensible de la démarche est la collecte, qui nécessite une coopération entre différents services d’une organisation. L’utilisation d’un outil Bilan Carbone® facilite la collecte, la mise à jour autonome du bilan pour les exercices ultérieurs et permet une première mesure des impacts de ses activités.

L’outil GES&Vit est également particulièrement pertinent, car il permet de faire un bilan des émissions de GES et du stockage carbone sur la partie viticulture, à la maille de l’itinéraire technique.

  1. Consolider les données

En préparation de l’analyse, la consolidation des données permet une vision globale des émissions de l’organisation, sur les scopes 1, 2 et 3. Le scope 1 correspond aux émissions directes, issues des activités de l’entreprise et de la combustion de produits fossiles, par exemple pour l’utilisation du tracteur ou pour le fonctionnement d’une chaudière fioul. Pour le scope 2, il s’agit des émissions externes à l’entreprise et liées à la consommation d’énergie (électricité pour les caves ou la surface de vente, par exemple). Le scope 3 est le résultat des autres émissions indirectes qui ne sont ni possédées ni contrôlées par l’entreprise (par exemple, utilisation des produits, transport des bouteilles ou Bag-in-Box en grande surface…).

  1. Analyser ses résultats

Cette étape permet l’identification de ses sources d’émissions majeures, indispensable pour prioriser les actions de réduction de l’empreinte carbone. Là encore, il s’agit de déterminer quels métiers sont les plus émetteurs entre la viticulture, la vinification, l’élevage, le conditionnement ou la logistique.

  1. Déterminer un plan d’actions

Avec un Bilan carbone® présenté selon la catégorisation métier d’un acteur du secteur, l’entreprise pourra comprendre ses émissions et réellement se mettre en mouvent pour les réduire. Pour cela, il est impératif d’entrer dans le détail des gammes de vins, les typologies de contenants, etc. La feuille de route peut donc être créée avec l’ensemble des actions à mettre en œuvre pour diminuer son empreinte carbone.

Vue aérienne d'un tracteur passant dans un vignoble

Comment réduire ses émissions de gaz à effet de serre?

Le bilan des émissions GES est une première étape dans une stratégie de décarbonation. Afin de réduire effectivement et efficacement ses émissions, les acteurs de la filière vin doivent mettre en œuvre une stratégie climat.

Cette stratégie fixe des ambitions et orientations qui aident à :

  • Déterminer les risques et opportunités en lien avec le changement climatique
  • Définir des objectifs de réduction
  • Se doter d’un plan de transition et d’une trajectoire d’investissement associée
  • Faire évoluer son modèle d’affaires pour choisir développer les produits et emballages qui vont réduire les émissions de gaz à effet de serre
  • Contribuer à l’implémentation de projets de séquestration carbone sur ses surfaces et chez ses fournisseurs de vins, après avoir diminué au maximum ses émissions
  • Rendre cohérentes ses actions d’atténuation avec sa stratégie d’adaptation au changement climatique

Le plan de transition doit inclure des actions spécifiques aux acteurs du secteur viticole-vinicole. On identifie par exemple :

  • La réduction des émissions GES liées à leurs emballages, notamment en allégeant ou remplaçant les bouteilles en verre (Bag-in-Box), ou en les réemployant via la consigne. En raison d’une consommation de gaz élevée pour la fabrication, l’empreinte carbone d’une bouteille est environ 8 fois plus élevée que celle d’un bag-in-box
  • Le recours à la fertilisation organique moins émettrice que la fertilisation azotée
  • La réduction des interventions ou du nombre de passages de machines par opération, en augmentant le nombre de rangs traités et en ajustant l’itinéraire technique
  • L’augmentation du stockage carbone grâce à l’apport de biomasse, avec un retour de la matière organique au sol, des couverts végétaux, la plantation de haies, une diminution des étapes de travail du sol
  • La baisse des émissions causées par le transport, grâce au recours à une flotte électrifiée, au ferroutage ou à la diminution du poids des emballages
  • L’action sur l’énergie, à travers l’efficacité énergétique, le remplacement des équipements comme les chaudières au fioul, l’emploi chariots élévateurs au propane ou la production d’énergies renouvelables

L’ensemble de ces actions, ambitieuses, pourraient permettre à un acteur de la filière de réduire d’environ 20 % les émissions. La réduction des autres émissions pourra se faire uniquement en s’alliant à l’ensemble des parties prenantes de sa chaîne de valeur. Par exemple, agir avec les verriers, pour réduire le poids des bouteilles. Pour le fret, il faudra impliquer le secteur de la distribution, car il détient un fort pouvoir de décision.

Le Bilan Carbone® de la viti-viniculture est incontournable pour connaître son impact et préparer un plan d’actions visant à le diminuer. Dans certains cas, le bilan GES permet de répondre à des réglementations, d’améliorer sa performance extra-financière, d’améliorer sa compétitivité ou encore de répondre aux exigences de ses parties prenantes. Peu importe son objectif, la réalisation d’un Bilan Carbone® nécessite de suivre précisément des étapes, afin de préparer au mieux son plan de transition, visant à réduire ses émissions efficacement.

A propos du Bilan Carbone® et de la filière vin