Actionnaires, soyez acteurs de la transition !

Avec son pouvoir d’influence sur la stratégie des entreprises, l’actionnaire a l’opportunité de redéfinir son rôle pour accélérer leur transition environnementale et sociale

Du plomb dans l’aile

L’année 2020 aura été inédite à bien des égards. Entre autres, elle a marqué un tournant dans la relation entreprises-investisseurs, puisque près de la moitié des questions posées lors des assemblées générales portaient cette année sur la responsabilité sociale des entreprises, et en particulier l’alignement de leur stratégie climat avec les Accords de Paris.

La doctrine de Milton Friedman a du plomb dans l’aile. En 2020, qui se risquerait encore à affirmer que « la seule responsabilité sociale d’une entreprise est d’augmenter ses profits » ? La crise dévastatrice de 2008 avait déjà conduit à une remise en question du capitalisme et accéléré l’émergence de la finance dite responsable. La crise de la COVID-19 a (re)mis au grand jour les failles de la mondialisation et de la croissance à tout prix. Elle a ainsi contraint les investisseurs à porter un nouveau regard sur les entreprises, notamment sur leur gestion sociale de la crise. Si souvent décrié, l’actionnaire a aujourd’hui une opportunité inédite de devenir la pierre angulaire de la transformation environnementale et sociale des entreprises.

Peser sur la stratégie des entreprises

Les enjeux environnementaux, climatiques et sociaux sont au cœur des aspirations des citoyens. Les investisseurs doivent redéfinir leur rôle dans la société avec un grand S, et utiliser leur position pour faire bouger les lignes. Pour un gestionnaire d’actifs responsable, l’intégration des fameux critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) consiste le plus souvent à exclure des activités controversées ou à sélectionner les bons élèves d’un secteur donné. Or, ces approches ont l’inconvénient de couper tout dialogue avec les entreprises « montrées du doigt », et par la même de perdre toute chance de les pousser à s’améliorer.

Désormais, les gestionnaires d’actifs doivent passer à la vitesse supérieure et influencer directement la stratégie des entreprises pour qu’elles améliorent leurs pratiques ESG dans la durée. Ces derniers mois ont été le témoin de ce nouvel activisme, avec des investisseurs qui ne se contentent plus de poser des questions, mais déposent des résolutions. Des groupements d’actionnaires comme Climate Action 100+ ont bousculé les majors pétrolières dès le début d’année, et ont obligé plus récemment 161 entreprises parmi les plus émettrices de gaz à effet de serre à revoir leurs ambitions en matière de neutralité carbone. La banque britannique Barclays s’est également vue demander l’arrêt progressif des financements aux entreprises du secteur de l’énergie ne respectant pas les objectifs de l’Accord de Paris. Une première pour une banque européenne, envoyant un signal sans équivoque au secteur bancaire dans son ensemble.

L’actionnaire, au cœur de la transition

Beaucoup reste à faire. Il subsiste notamment une forte disparité parmi les 25 plus gros gestionnaires d’actifs au monde, certains se faisant encore régulièrement épingler pour leur faible soutien aux résolutions en faveur du climat. Comme dans l’alimentaire et la cosmétique ces dernières années, la pression des « consommateurs épargnants » finira par bousculer les derniers réfractaires.

La crise de la COVID-19 doit être un révélateur de nos fragilités et un accélérateur du passage des paroles aux actes. État, collectivités locales, entreprises, acteurs financiers, ONG, société civile : chacun, à sa place, a un rôle à jouer dans ce nécessaire changement de paradigme. L’actionnaire a toutes les cartes en main pour faire de ce pouvoir de pression, traditionnellement utilisé pour pousser au profit, un maillon central de la transition.