Réinventons nos mix mobilités à l’heure du déconfinement

Donnons leurs justes places aux mobilités douces, réaménageons nos villes et sécurisons les transports en commun et partagés

Non, rouler seul dans sa voiture n’est pas LA solution

Soyons lucides, le contexte post-confinement est plutôt favorable à l’usage individuel de la voiture : sentiment de sécurité, prix du pétrole au plus bas, transports en commun peu propices à la distanciation physique… Toutes les conditions sont réunies pour voir se produire les mêmes effets rebonds observés en Chine : une hausse massive de l’autosolisme post-confinement : revenir au monde d’avant, mais en pire. Pourtant, cela n’est pas l’unique solution. Si la crise sanitaire du COVID-19 est présente dans toutes nos têtes, elle n’effacera pas le besoin d’accélérer la transition écologique du secteur de la mobilité : la circulation automobile est aussi source de morts et de maladies par les accidents de la route et par les émissions polluantes de ses moteurs. Notre défi après le confinement est aujourd’hui d’aplanir les pics de pollution atmosphériques dus au transport, comme nous avons su aplanir les courbes de propagation du COVID-19…

Profitons du déconfinement pour pérenniser certaines pratiques de dé-mobilité et agir avec intelligence sur la modulation des rythmes urbains

Pour que ce déconfinement progressif ne soit pas source d’engorgement des voies de circulation de toutes natures, il est nécessaire que collectivités et entreprises se saisissent des outils à leur disposition pour agir sur les rythmes urbains et de travail. Il est ici question de dé-mobilité d’usages et infrastructurelle et de diminuer la part de déplacements contraints : en étageant les horaires de travail des salariés, en promouvant un taux de télétravail élevé à 2 jours par semaine, et en maintenant l’habitude nouvelle de faire une part importante de ses rendez-vous professionnels en visio plutôt que de visu. Développons une immobilité d’intérêt général écologique et sanitaire.

Donnons leurs justes places aux mobilités douces, réaménageons nos villes et sécurisons les transports en commun et partagés

Lisser ces pics de transport c’est aussi réfléchir à la place du travail dans des tiers lieux accessibles en transport doux, qui permettent de trouver un intermédiaire entre travailler depuis sa chambre et aller travailler dans un bâtiment de bureaux de 700 personnes à 20 km. Ces tiers lieux, plus faciles à sécuriser sanitairement car plus petits, plus proches permettront de retrouver du lien social, de l’efficacité professionnelle et de réduire les besoins de mobilité. L’aménagement de parcs, de places et de terrasses pourrait aussi en faire des lieux où il est possible de travailler mieux que dans son salon sans aller loin. Nous devons repenser l’usage de nos infrastructures pour les adapter aux comportements individuels et mieux répartir les flux, ce qui pose plus globalement la question des conséquences en termes de mobilité de l’aménagement urbain : quel aménagement en respectant des distances physiques, pour favoriser la marche ou le vélo ? Nos villes « en l’état » ne sont pas encore prêtes, comme l’explique bien l’étude dédiée d’Autrement Autrement. Trop d’aménagements passés ont été faits en faveur de modes de transport spatiovores, il est essentiel de vite réorganiser l’espace urbain, puis de façon plus définitive lorsque nous y aurons pris goût. La marche est aujourd’hui le moyen de déplacement le plus privilégié en zones denses et les besoins de distanciation physique nécessitent d’allouer la chaussée au profit de ce type de mobilité active. Depuis quelques jours, l’ADEME et de nombreux observateurs mettent en lumière des initiatives locales qui émergent pour la mise en place d’aménagements cyclables temporaires. Repenser l’espace urbain est en effet une des clés qui répond au contexte sanitaire actuel et de transition. A court terme, ces dispositifs d’urbanisme tactique encouragent la distanciation physique. A moyen terme, ils limitent les effets rebonds observés en Chine par la restriction de la voiture. A long terme, si ceux-ci sont mis en place avec concertation, ils pourraient créer un engouement majeur de la pratique du vélo et des micro-mobilités (trottinettes… ) et certaines de ces initiatives pourront potentiellement se pérenniser. Calme, concertation et cohérence seront donc les maître-mots pour la réussite de ces projets.

Transports en commun et mobilités partagées font aussi partie des solutions, mais de façon évidente, dans un mode d’organisation différent. Ces modes de transports sont plus capacitaires et bien moins spatiovores que la voiture. Monter dans des bus bondés inquiète certains, il faut à présent penser à sécuriser au maximum nos transports publics en adaptant leurs fréquences, limitant le nombre de passagers et en mettant à disposition des équipements de protection. Si les règles de sécurité sont respectées, le covoiturage reste une solution là où le recours à la voiture individuelle est inévitable, avec des masques et limitation à 2 passagers espacés d’une place derrière le conducteur plutôt que 3 ? A l’instar de ce que l’on pratique pour le vélo, pourquoi ne pas mettre en place des voies réservées temporaires, un urbanisme tactique pro-covoiturage ?

De nombreux défis s’offrent à nous. Cette crise va provoquer un véritable chamboulement dans nos pratiques de mobilité. Plus que jamais, mobilisons-nous pour de nouveaux modèles pour sortir du dogme de l’autosolisme hérité d’un XXème siècle révolu. C’est parce que nous apprendrons à mieux coordonner politiques de dé-mobilité, d’aménagement urbain, d’équilibre des différents modes de transport en veillant à favoriser les plus écologiques que nous saurons réinventer nos mix-mobilités sur chaque territoire à l’heure du déconfinement.